Une merveilleuse jardinière s’est retirée de son activité terrestre il y a quelques mois, âgée de près de 90 ans : Rosamée Henrion. Avec son fils Guillaume, elle venait de mettre un point final au livre « Jardin du Plessis Sasnières », en édition bilingue français/anglais, illustré des photos de Gary Rogers et du fonds photographique familial. Il évoque l’histoire de la « grande maison » placée au coeur de Sasnières, village qu’on trouve à une quinzaine de kilomètres au sud de Vendôme en Loir-et-Cher. Beaucoup d’amateurs de jardins ont visité le jardin que Rosamée d’abord seule et ses enfants ensuite ont dessiné, planté et fait grandir. Guillaume Henrion en raconte les péripéties et c’est un plaisir de le suivre dans les évocations d’une vie si créative. J’emprunte au livre quelques passages du texte pour mon reportage et j’y ajoute une dizaine de mes photos, faites au fil des dix dernières années.
« Pendant de longues années, le travail accompli par Rosamée dans son jardin est solitaire. Ses enfants y sont indifférents. Ils sont à l’âge des études post baccalauréat et aiment la propriété familiale comme un lieu de retrouvailles entre frères et amis. Elle voulait faire partager sa passion et leur parle de ses plantes en latin… Mais elle ne trouve pas dans son entourage proche une oreille bienveillante. Guillaume, après un voyage en Irlande où il découvre quelques grands jardins de l’île, revient avec des yeux grands ouverts et émerveillés. Il est intrigué et ne comprend pas pourquoi le jardin de sa mère ne ressemble en rien à ceux qu’il a visités. »
« Les origines de cette propriété sont certainement fort anciennes. La présence de l’eau et de cavités naturelles dans le coteau calcaire a dû permettre l’installation de premiers habitants. Un polissoir préhistorique présent dans le jardin semble l’attester. Il date de l’ère néolithique (entre 6000 et 4000 ans avant J.C.). A cette époque débute l’agriculture, les hommes utilisaient ce rocher pour y polir leurs outils de pierre avec de la poudre de silex et de l’eau. Il se trouve actuellement sur le bord de l’étang au niveau des cascades. »
« Rosamée et Guillaume décident d’ouvrir le jardin au public en 1996 en prenant comme exemple le principe que Jacques Gérard utilisait depuis quelques années au Parc Botanique de La Fosse : visites guidées et commentées à jours et heures fixes. Ce système n’est pas satisfaisant car il ne permet pas à Rosamée de partager comme elle le souhaite son jardin et sa passion avec le public. Il sera maintenu jusqu’à ce que les bâtiments du moulin puissent être récupérés et transformés en accueil. Une boutique est créée ainsi qu’un salon de thé en 1998. A partir de ce moment, la visite devient libre. L’objectif visé est que le visiteur se sente chez lui dans le jardin et qu’il se l’approprie. »
« Les animations. Avoir su créer un écrin végétal raffiné était un objectif en soi. Le faire vivre devenait indispensable. Et cela devait pouvoir se faire avec les habitants des communes et villes voisines. L’idée d’organiser des manifestations faisait son chemin. Et la famille décide de créer une petite fête des plantes chaque printemps : « Le marché aux plantes ». Elle attire chaque année des pépiniéristes et des exposants de produits destinés au jardin et à la gastronomie. Elle a pour but de faire venir un public local qui, sinon, n’y viendrait vraisemblablement pas. Chaque deuxième week-end du mois de mai, le jardin vit un moment sympathique et intense. »
« Partager son jardin conduit rapidement à échanger avec nombre de visiteurs sur des événements qui pourraient s’y dérouler. Le principe d’organiser des concerts ne séduit pas la famille qui préfère, à la mi-août, proposer un pique-nique au jardin avant la projection d’un film en plein air à la tombée de la nuit. A la fin de la séance, le cheminement vers le parking est éclairé avec des bougies pour ne pas briser le moment magique et hors du temps. »
« La fête de la soupe est sans conteste la manifestation qui rencontre le plus grand succès populaire. Au début de l’automne, lors des dernières cueillettes, avant que le potager entre en hibernation, les légumes servent à réaliser des soupes. Un concours ouvert à tous, professionnels mais aussi amateurs, est organisé. Chaque « soupier » met en valeur sa recette et fait goûter sa soupe au public. »
« Pour rendre la manifestation plus vivante, un jury dit « professionnel » dans lequel se retrouvent aussi bien des chefs étoilés que des gastronomes, comme l’était Jean-Pierre Coffe, passe de faitout en faitout pour déguster. Emmanuel de Brantes anime cette matinée festive et bienveillante où chacun peut vivre un moment chaleureux avant l’arrivée de l’hiver, où le jardin se met en sommeil. »
« Ouvrir le jardin au public dans un esprit similaire à celui pratiqué en Angleterre correspondait à ce que la famille recherchait les premières années. La création d’une boutique et d’un salon de thé s’est imposée. Quel type de pâtisserie sera-t-elle servie ? Guillaume et Nelson ont pendant plusieurs années été visiter des jardins outre Manche. Le passage par le salon de thé était indispensable pour satisfaire leur gourmandise ainsi que la découverte de recettes inconnues en France. »