Louis Benech, Le Lude en 2011

Benech

Beaux Livres
Louis Benech, douze jardins en France
chez Gourcuff Gradenigo
8 rue des Lilas
93189 Montreuil cedex
ISBN 978-2-35340-131-4
39 euros

par Georges Lévêque

Dans la préface du dernier livre consacré à Louis Benech, l’académien français Erik Orsenna compare le paysagiste « glamourissime » à une horloge. Bien vu ! Il est vrai que les gens de jardin règlent leur temps dans des calendriers de culture et de floraisons. Alors, pour le premier t’entre eux, c’est évident ! De fait, s’il n’est pas compliqué de faire fleurir telle ou telle plante, il faut être un excellent maître du temps pour organiser les effets dans un jardin, faire coïncider les floraisons de manière à trouver de l’harmonie dans les assemblages de formes et de couleurs. C’est bien là qu’on attend le paysagiste. Et Louis est un des meilleurs de la profession. La connaissance des cycles végétatifs, des accords, des effets vient progressivement. Cela s’apparente au talent du musicien concertiste qui améliore ses prestations au fil du temps. L’expérience est bonifiante.

J’ai eu la chance de rencontrer Louis en 1987. Il rentrait d’Angleterre où il avait passé quelques années à apprendre les plantes, ou pour le moins faire connaissance de celles de la collection Hillier. Les pépinières Hillier sont depuis plusieurs générations La Mecque de la profession. Les étudiants en horticulture exhultent lorsqu’on les accueille en stage de formation dans cette banlieue de Winchester où tant de chefs de culture de la firme ont laissé leurs noms en créant des variétés horticoles améliorées. Voulant quitter le droit qu’il étudiait, Louis avait imaginé qu’il pourrait vivre du jardinage, la passion de ses jeunes années. Les vingt années suivantes lui ont donné raison.

Tout est dit dans ce gros pavé de plus de deux cents pages. Et quand on sort du livre, on a l’impression de connaître notre Louis par coeur. Il y montre et commente douze jardins qu’il a conçus, bien représentatifs de son talent. C’est sous la plume d’Eric Janssen qu’on en fait le tour, car il n’est pas facile de parler de soi sans vite paraître prétentieux. Et puisque chacune de nos lectures doit nous apprendre quelque chose, voici quelques notes relevées dans l’ouvrage.

A Villandry, une parcelle restait à créer ! Fallait-il s’inspirer de l’atmosphère topiaire (végétation taillée) du reste du jardin ou s’en éloigner ? Formule mixte retenue. L’espace à traiter a été divisé et dans cette fragmentation deux pièces sortent du lot : le jardin du soleil fleuri de teintes chaudes autour du jaune et le jardin des nuages aux teintes bleues et argentées. Peu d’autres jardins atteignent ce degré de perfection. L’amateur pourra s’en inspirer en réunissant pour les couleurs chaudes euphorbe des marais, asphodéline, thermopsis, rudbeckia, solidago, spirée goldflame, hémérocalle, hélénium, achillée terracotta, knifofia. Liste précise page 196.

Dans le square Nicolas Forestier qui jouxte le nouveau stade Charléty à Paris, le cahier des charges imposait beaucoup d’arbres. Louis Benech avoue un faible pour le kaki (Diospyros kaki), un arbre fruitier plutôt rare et pourtant de culture facile : ni maladie, ni crainte du gel. Ses gros fruits à la teinte orange bien campée sont très décoratifs sur l’arbre en automne. Et puis on peut les manger après le premier gel quand ils ont perdu de leur astringence.

Autre découverte et pas la moindre, l’utilisation jusqu’à l’excès du cornouiller mâle (Cornus mas dans les catalogues). Si ses fruits se grignotent aussi lorsque bien mûrs, on ne les remarque guère. Ce qui plaît dans cette espèce, c’est sa malléabilité. Forme libre, forme taillée, tout lui plaît. Voir pages 65 et 66/67, les haies qu’on peut en attendre. Son « look nature » convient à notre époque. Quant aux parasites : aucun ! Le livre se prolonge ainsi comme un catalogue de bonnes nouvelles et d’idées riche.