APPRENDRE LES SCIENCES NATURELLES EN S’AMUSANT

Couverture

Marc Giraud a la plume joyeuse. La plupart de ses livres consacrés à la vie des plantes, des animaux et des insectes véhiculent des descriptions amusantes, ainsi que des commentaires souvent à la limite du sérieux et pourtant scientifiquement exacts. Cet humour bien troussé rend la lecture de ses ouvrages parfait pour étudier les sciences naturelles sans effort.

Dans son dernier opus, il ouvre les vannes de la drôlerie à propos des insectes, virus et microbes qui agacent le quotidien des humains mais qui pourtant sont souvent nécessaires à l’équilibre du vivant. Rien que le titre nous éclaire sur le ton supposé du livre : « La vie rêvée des morpions et autres histoires de parasites ». L’illustration faite d’une série de dessins croustillants et bien souvent irrévérencieux de Roland Garrigue appuie les propos de Marc Giraud. Ces deux là n’en sont pas à leur coup d’essai. Ils ont déjà croqué, si l’on peut dire, les curiosités de la Nature avec « Safari dans la bouse et autres découvertes bucoliques».

Voici un petit ouvrage bon marché (12,90 euros) qui se dévore d’un trait tant on a envie d’aller à la page suivante pour connaître toutes les aventures et les us et coutumes du monde minuscule qui nous entoure. Prenons l’exemple des punaises. Avant d’établir leurs quartiers dans nos lits, elles infestaient les chauves souris dans les grottes, pour passer ensuite aux hommes qui avaient trouvé refuge en ces mêmes lieux. Et les puces que nous connaissons bien, il semble qu’elles viennent d’Amérique et que, d’animal en animal, elles soient passées aux renards, puis aux blaireaux et enfin à nous mêmes, toujours aux temps des cavernes dans lesquelles nous logions pendant une glaciation. Accroché à nos basques, tout ce petit monde parasitaire nous a fidèlement accompagné pendant notre conquête des continents.

On passe ensuite à la vie privée des poux et des morpions. Une dizaine de pages leur est consacrée pour faire le point sur l’étonnante fertilité de ces insectes suceurs de sang et leur pouvoir de nuisances. Avec force détails sur leurs façons de passer d’un hôte à un autre et les maladies qu’ils transmettent. Marc Giraud a le sens de la formule : « Infestée d’une grande armée de poux, celle de Napoléon Bonaparte dut en grande partie la défaite de la campagne de Russie au typhus, responsable du décès des deux tiers des soldats ».

Moustiques vecteurs du paludisme,

Tiques et sangsues suceurs de sang,

Vers solitaires voleurs de nourriture, la liste est longue.

Mais ce qui semble un traité cataclysmique d’événements affreux est compensé par un sujet plus réjouissant, celui du talent qu’ont développé certains biologistes pour venir à bout des maladies de nos cultures, tels des petites guêpes qui éliminent la pyrale du maïs, des mouches tachinaires dévoreuses de chenilles et des nématodes destructeurs de limaces et vers blancs.

Des citations d’auteurs connus qu’on découvre au fil des pages complètent ce savoir particulièrement érudit. Un aphorisme parmi d’autre, de Colette : « On peut espérer que lorsqu’ils seront les maîtres du monde, les insectes se souviendront avec reconnaissance que nous les avons bien nourris ».

La vie rêvée des morpions et autres histoires de parasites par Marc Giraud et Roland Garrigue, chez Delachaux & Niestlé, Janvier 2016

GEORGES BLANC SOUS LES ETOILES

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« Georges Blanc, c’est la mémoire gourmande de la Bresse » a pu écrire Nicolas de Rabaudy dans une de ses innombrables chroniques sur les talents des Grands Chefs Cuisiniers. Né en 1943, à Bourg-en-Bresse, Georges Blanc n’est pas arrivé par hasard dans les hautes sphères du bien-manger. Chez les Blanc, on pratique les prouesses de la cuisine depuis quatre générations. En 1933, la grand-mère de Georges, Elisa, avait été sacrée « meilleure cuisinière du monde » par Curnonsky qu’on appelait alors « le prince des gastronomes ». La tradition est restée reine à Vonnas, ce gros bourg de l’Ain, mais sans y être figée. Comme pour ses ascendants, l’inspiration a commencé avec la poularde de Bresse, volaille nourrie et élevée avec le plus grand soin. Le Guide Michelin 2015, qui accorde au restaurant gastronomique de Vonnas 3 étoiles rouges pour l’excellence de la table (elle vaut le voyage ! ), commente ainsi l’inspiration du grand chef : « les sauces aux goûts profonds, les cuisines savantes qui relèvent les saveurs ….. Le plaisir tout simplement ». L’ambassadeur de la volaille de Bresse, c’est lui ! Le génie du commercial aussi. Sa famille lui a confié les rênes de l’entreprise familiale en 1968. Il n’avait que 25 ans ! Tout autant homme d’affaire visionnaire inspiré que chef talentueux, Georges Blanc a su se développer en trouvant les formules qui lui amèneraient les fines bouches du monde entier et les touristes curieux de son savoir-faire.

Georges Blanc immense cuisinier, ce n’est plus un secret. Mais intrépide bâtisseur, on le sait moins. Sauf si l’on a la curiosité de se rendre dans le saint des saints de l’entreprise à Vonnas. Sur le GPS, taper « Place du Marché ». Arriver à la tombée du jour pour voir les lumières de la place publique s’allumer les unes après les autres. La mise en scène est renversante car année après année, Georges Blanc a patiemment acheté les maisons de la place et les a transformées en hôtels, restaurants et boutiques. Toutes les façades sont éclairées de la plus belle manière. Au point de croire qu’on arrive dans un décor de cinéma ! Jardins et plantations gomment la différence entre l’espace public et l’espace privé. La nuit venue, avant ou après dîner selon le mois de l’année, on a plaisir à flâner dans ce monde qui semble irréel fait d’alignements de cyprès, de bassins, de massifs fleuris, de pergolas, de kiosques et sculptures. Du bel ouvrage pour le rêve !

Pour les plaisirs de la table, plusieurs suggestions. C’est même le grand écart entre La Vieille Auberge et ses menus à partir de 25 euros et le Restaurant Gastronomique aux menus à 170, 210 et 270 euros. Quelques exemples de plats, aussi réjouissants à lire qu’à déguster : Savarin de brochets de nos étangs dans un velours de queues d’écrevisses, Fraîcheur potagère de homard aux trois saveurs et le traditionnel poulet de Bresse servi en cocotte aux gousses d’ail et foie gras comme au G7. Côté soif, tout est prévu : plus de 100.000 bouteilles affinent leurs saveurs dans la cave.

www.georgesblanc.com

 

LE BOIS DES MOUTIERS ET SON TRESOR DE RHODODENDRONS

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Les Anglais l’appellent ‘White Pearl’. Nom d’emprunt !!! Après des années d’observations d’un groupe de spécialistes français des rhododendrons et de contestations auprès des autorités de la Société royale anglaise d’horticulture, le fait est avéré. Le rhododendron nommé ‘White Pearl’ doit être rebaptisé par son seul et véritable nom : Rhododendron ‘Halopeanum’. C’est une obtention d’un jardinier pépiniériste de Cherbourg, Monsieur Félix Halopé qui, en 1885, entreprit de semer des graines récoltées sur un fort spécimen de Rhododendron griffithianum qu’il possédait dans son jardin. Une communication parue dans un bulletin de la Revue Horticole de 1896 donne les détails suivants :

« Les deux générateurs étant connus, voici la genèse du magnifique hybride que je présente aujourd’hui, au public horticole, sous le nom de Rhododendron X Halopeanum : M. Halopé, horticulteur, rue de la Fontaine, à Cherbourg (ancienne raison sociale Halopé-Cavron), possédait un fort exemplaire de Rhododendron griffithianum entouré de plusieurs Rh. arboreum de variétés diverses. Une hybridation naturelle eut lieu, sans que l’on ait su quelle variété de Rh. arboreum avait fourni le pollen. Un semis de graines récoltées en 1885 produisit quelques plantes, dont l’une ouvrit en 1893, pour la première fois, de très belles fleurs roses. Mais comme le sujet venait d’être transplanté, les fleurs ne furent pas très grandes. Pendant l’hiver 1894-95 on sait quel froid terrible sévit dans la presqu’île normande. Cherbourg fut particulièrement éprouvé. Sur le plateau d’Octeville, où est situé l’établissement de M. Halopé, on constata 16 degrés de froid. Mais s’il est vrai de dire que « à quelque chose malheur est bon », on remarqua aussi que le nouveau Rhododendron n’avait nullement souffert de cet abaissement exceptionnel de température. Cependant une tempête brisa les fleurs en 1894, et le même accident se produisit en 1895. »

L’histoire qu’on raconte au Bois des Moutiers est la même. Ce parc normand très connu pour sa collection de rhododendrons et beaucoup d’autres arbres situé sur la commune de Varengeville-sur-mer a commencé ses plantations un peu avant 1900. Guillaume Mallet vient alors d’acquérir un bel espace de terre près des falaises qui surplombent la mer. Il veut reproduire en Normandie ce que les Britanniques font depuis plus d’un siècle dans leur belle campagne. Le climat se prête à la culture des rhododendrons. Il apprend l’obtention de cette nouvelle variété qui promet beaucoup. Les premiers « Halopé » sont achetés en 1901. Les carnets de comptes de Monsieur Mallet en témoignent. D’autres suivront en grand nombre. Le vallon qu’ils occupent au Bois des Moutiers est devenu une merveille au moment de la floraison en mai. Avec des observations qui maintenant portent sur plus de cent ans, on ne peut que recommander cette variété, à condition d’avoir beaucoup de place pour la recevoir. Les plus grands spécimens dépassent dix mètres de haut ! Une forêt d’enchantement à n’en pas douter pour qui visitera Le Bois des Moutiers au bon moment. Autre avantage appréciable : aucun insecte parasite et aucune maladie ne s’intéresse à cette variété de rhododendron. Donc, point de pesticide à craindre vis à vis de l’environnement. Immenses bouquets floraux au délicat parfum et dont la couleur varie entre rose tendre, rose amande et fleur de pêcher.

Conseils généraux de culture pour les rhododendrons.

Les pépinières fournisseurs omettent souvent de préciser que rhododendrons et azalées souffrent facilement de la sécheresse atmosphérique estivale, au point d’en être fatale dans certains cas. Il en est de même pour la présence de calcaire dans le sol qui les reçoit : chlorose à craindre. Les mélanges terreux faits à base de terres de bruyère, terreaux de feuilles et composts familiaux leur conviennent. Toute la zone littorale qui va du Finistère à la Seine-Maritime est la meilleure pour ces plantes, le Pays Basque aussi. Les pluies fines ou brouillards fréquents en été sur ces zones les nourrissent et les stimulent. Epoque de plantation : entre septembre et avril sauf en période de gel.

Pour en savoir plus :

www.rhododendron.fr/articles/article16d.pdf

www.boisdesmoutiers.com

SAGA VILMORINIANA : PLUS DE DEUX SIECLES D’ELEGANCE

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L’année qui vient de s’écouler a marqué le deux centième anniversaire de l’installation de la firme Vilmorin à Verrières-le-Buisson, petite commune au sud de Paris fort élégante et résidentielle aujourd’hui mais qui alors était un espace agricole recherché en raison de la qualité de ses terres. C’est en effet en 1815 que Philippe-André Lévêque de Vilmorin y achète une très belle propriété qui, selon certaines sources, a pu être construite à la demande de Louis XIV pour Mademoiselle de La Vallière.

La famille Vilmorin est déjà fort célèbre pour ses travaux scientifiques sur les semences, autant dans le domaine des céréales que des cultures légumières et florales. Tout a démarré avec Philippe-Victoire de Vilmorin (si le nom de Lévêque a toujours cours de nos jours, supprimons-le par souci de simplification). Il naît en Lorraine en 1746. Et c’est à Paris qu’il fait ses études de médecine et de botanique. Il se lie à ce moment avec Pierre d’Andrieux, botaniste de Louis XV. Au point d’en épouser sa fille Adélaïde. On retrouve un peu plus tard l’union des deux patronymes lorsque est fondée ce qui deviendra vers 1775 et jusqu’en 1986 la firme Vilmorin-Andrieux, avant de devenir Vilmorin S.A.

Sept générations très impliquées dans le commerce et la sélection de semences se sont succédées depuis Philippe-Victoire. Autour de ce joli petit château avec dépendances, un parc se crée d’abord à la française puis lentement se transforme en arboretum, c’est à dire une collection d’arbres rares que les voyageurs botanistes rapportent de leurs expéditions. Certains membres du clan Vilmorin, tel Maurice vers 1890-1910, sont envoutés par le désir de collectionner, pour étudier, découvrir et transmettre. Parallèlement à Verrières, il y a aussi le Domaine des Barres dans le Loiret, acquis dès 1821, pour mener des études comparatives sur la pousse des pins et des chênes, bois d’oeuvre par excellence. Qui sera intéressé par cette famille à nulle autre pareille trouvera des informations utiles dans une livre édité par Belin en 2015, « L’Herbier Vilmorin », écrit par Christine Laurent.

L’Arboretum Vilmorin à Verrières-le-Buisson existe toujours. Il est ouvert à la visite sur demande. Les arbres les plus anciens ont juste 200 ans tel le grand cèdre du Liban dont les branches immenses rampent horizontalement au ras du sol tout près du château. Un spectacle rare émouvant de puissance et de beauté. On aura plaisir à découvrir lors d’une visite guidée par Nathalie de Vilmorin une part de la fabuleuse collection qui s’est développée au fil du temps. C’est elle qui est responsable de la gestion de l’arboretum depuis dix ans maintenant. Durant la promenade, Nathalie fait remarquer aux visiteurs un joli petit banc de pierre lové contre une haie d’arbustes. Avec un trèfle à quatre feuilles gravé dessus. C’est le banc que Louise de Vilmorin a souhaité avoir proche de là où elle repose. Elle est l’immense écrivain de la famille, (1902-1969), femme du monde à la vie sentimentale animée. On connait Verrières grâce à elle et à ses parents et ses frères qui vivaient ou se retrouvaient là pour les fêtes de famille et les occasions festives comme Noël. Vie mondaine faite de visites comme celles d’André Gide, André Malraux, Edouard Herriot, Honoré d’Estienne d’Orves et Antoine de Saint Exupéry avec lequel la jeune Louise parla un temps de mariage. C’est Malraux (avec qui elle finit sa vie) qui la poussa à écrire. Et Cocteau lisant son premier livre lui écrit ceci : « Mais je ne savais pas que vous aviez du génie. Je vous adore. » Du génie de fait elle n’en manquait pas. Toute sa vie en témoigne, autant dans sa vie mondaine très riche que dans ses écrits dont on a fait des films et qui parfois ont une saveur inattendue.

Deux exemples amusants :

Pour la chasse, mon chien
met des habits de chasse
c’est un être cocasse
que je comprends fort bien
mais ce qui le dépasse
c’est qu’il emmène un chien.

Ou encore dans le domaine des vers holorimes :

On se veut,
On s’enlace,
On se lasse,
On s’en veut.

Pour préparer une visite à Verrières-le-Buisson :
http://www.jardinsdefrance.org/larboretum-vilmorin-a-verrieres-buisson/