SUR LA TRACE DES GRANDS MAITRES

Excellente idée, cette réunion des grands maitres de l’écriture et des peintres les plus célébrés depuis cinq siècles. Les Editons Citadelles & Mazenod ont confié à une écrivaine de belle culture le soin de mettre face à face un joli texte sur le jardin et un tableau. C’est ainsi que se trouvent associés une toile de Gustave Caillebotte à La faute de l’Abbé Mouret d’Emile Zola, ou une autre de Félix Vallotton à l’Art d’être grand-père de Victor Hugo. Et ainsi de suite avec plus de cent duos.

« Le jardin, c’est la nature perçue et transformée par notre imaginaire ».

En quelques mots, tout est dit. Aller à la découverte du jardin, c’est flâner en poésie, vagabonder en littérature et aussi musarder en peinture. Lieu naturel et éphémère, le jardin est aussi, paradoxalement, un espace culturel par excellence, un lieu de mémoire et de dialogue entre les arts. Parmi les écrivains qui se sont exercés à approcher le florilège des jardins, on relève les noms de Dante, Ronsard, La Fontaine, Goethe, Chateaubriand, Colette et Proust. Tous ont aimé le jardin et la poésie qui l’entoure.
Estelle Plaisant-Soler, agrégée de lettres modernes, les convoquent avec quelques autres dans une merveilleuse anthologie sur les jardins à travers le monde et les siècles. Livre de 300 pages où chaque texte sélectionné trouve un écho à sa mesure dans une oeuvre peinte, et cela dans la lignée toujours excellente des Editions Citadelles & Mazenod. Sa publication coïncide avec l’exposition « Jardins » qui se tient au Grand Palais à Paris jusqu’au 24 juillet 2017.

Chercher les origines du jardin, c’est regarder vers l’Orient et ses mythes. Les premiers jardins voient le jour dans la zone du Croissant fertile. La domestication des plantes et la découverte des techniques d’irrigation permettent aux hommes de dompter les crues du Tigre et de l’Euphrate. Et c’est ainsi que la Mésopotamie devient le berceau des jardins, et du jardin biblique en particulier. Le livre d’Estelle Plaisant-Soler démarre donc avec les jardins antiques et les jardins mythiques dont bien entendu celui d’Adam et Eve qui vont se perdre en mangeant le fruit de l’arbre de la connaissance. Avec rigueur et un travail de recherche approfondi, chaque texte cité fait face à une peinture célèbre illustrant le propos. Photos fournies par l’éditeur.

Clément Marot se plait en 1532 à décrire le Temple de Cupido :
Ce temple était un clos flori verger,
Passant en tout le val délicieux,
Auquel jadis Pâris, jeune berger,
Pria d’amour Pégasis aux beaux yeux :
Car bien semblait que du plus haut des Cieux
Jupiter fût venu au mortel estre
Pour le construire et le faire tel estre,
tant reluisait en exquise beauté.

Thomas More évoque en 1516 une ville imaginaire nommée Utopia dans le Traité de la meilleure forme de gouvernement.
Les Utopiens entretiennent admirablement leurs jardins, où ils cultivent des plants de vigne, des fruits, des légumes et des fleurs d’un tel éclat, d’une telle beauté que nulle part ailleurs je n’ai vu pareille abondance, pareille harmonie. Leur zèle est stimulé par le plaisir qu’ils en retirent et aussi par l’émulation, les différents quartiers luttant à l’envi à qui aura le jardin le mieux soigné.

Jean de La Fontaine raconte en 1668 l’aventure d’un jardinier auprès de son seigneur
Un amateur de jardinage,
Demi-bourgeois, demi-manant,
Possédait en certain Village
Un jardin assez propre et le clos attenant.
Il avait de plant vif fermé cette étendue.
Là croissait à plaisir l’oseille et la laitue,
De quoi faire à Margot pour sa fête un bouquet,
Peu de jasmin d’Espagne, et force serpolet.

Pour Marivaux, le jardin libertin est à l’honneur dans Pharsamon (1737)
Etre seul avec Cidalise, et où ? Dans les allées, parmi les arbres, lieux destinés pour être témoins des tendresses de ce genre. Cidalise et lui marchèrent quelques pas sans ouvrir la bouche. Silence vraiment mystérieux , qui seul caractérisait la noblesse du feu dont ils étaient brûlés. Pharsamon semblait cadencer ses pas : son air était respectueux, mais d’une sorte différente que le respect parmi nous d’usage : c’était un respect digne de lui et d’elle.

Dans la Maison de Claudine (1930) , Colette évoque la grande maison une fois passée son entrée cochère :
Son revers, invisible au passant, doré par le soleil, portait manteau de glycine et de bignonier mêlés, lourds à l’armature de fer fatiguée, creusée en son milieu comme un hamac, qui ombrageait une petite terrasse dallée et le seuil du salon ….. Le reste vaut-il que je le peigne, à l’aide de pauvres mots ? Je n’aiderai personne à contempler qui s’attache de splendeur, dans mon souvenir, aux cordons rouges d’une vigne d’automne qui ruinait son propre poids, cramponnée, au cours de sa chute, à quelque bras de pin. Ces lilas massifs dont la fleur compacte , bleue dans l’ombre, pourpre au soleil, pourrissait tôt, étouffée par sa propre exubérance.

Jardins, une anthologie, par Estelle Plaisant-Soler. Mars 2017. 49 euros.
www.citadelles-mazenod.com

2017 : MARQUEYSSAC FETE SES 20 ANS

PanoramiqueBastion

Une journée à Marqueyssac : le rêve ! Une respiration nature avec de grands paysages pour petits et grands. Accès en toute saison puisque « Les Jardins Suspendus de Marqueyssac » sont ouverts tous les jours de l’année. Seuls les horaires varient un peu. Beaucoup de raisons conduisent à découvrir ce promontoire rocheux qui surplombe la Vallée de la Dordogne sur 360° quand on a atteint son sommet. Un point d’histoire sur ce site unique !

Pour les amateurs de jardins, c’est le Graal ! Une sorte de monument historique à base de buis dont l’histoire est assez longue. Sur deux hectares autour du château et sur la pente rocheuse qui y conduit, ce sont des milliers de buis taillés et une dizaine de kilomètres de haies qui entrainent vers le couvert forestier. Indiscutablement une scénographie sans égale de moutonnements à l’architecture pleine de fantaisie ! Chaque buis est mis en forme à la main par Jean Lemoussu, jardinier en chef, et son équipe de cinq habiles façonniers en art topiaire.

Les buis de Marqueyssac affichent leur âge : 150 ans. Voici leur acte de naissance comme il est rapporté dans la documentation du château : « Nos jardins trouvent leur vrai style à partir de 1861. A cette date, Marqueyssac devient la propriété de Julien de Cerval qui s’attache dès lors à l’embellissement des lieux. De retour d’Italie où il a défendu la papauté au sein de la Légion romaine des zouaves pontificaux, il ramène dans ses bagages une vraie passion pour les jardins. Julien de Cerval plante 150.000 buis, introduit in situ des cyprès, des pins parasols, des cyclamens de Naples, fait construire des rocailles, des cabanes de pierre sèche et insuffle à l’ensemble des inspirations transalpines du plus bel effet. » Notre châtelain avait donc trouvé des similitudes entre l’aridité de son rocher géant et les paysages italiens, en harmonie avec les pensées naturalistiques du moment. Et par bonheur, comme les buis adorent pousser dans les sols calcaires, rien ne s’opposait à son projet.

Quand Kléber Rossillon reprend le domaine en 1996, il faut dire que la végétation a cessé d’être contrôlée depuis un certain temps ! Il se trouve en présence d’une forêt de buis. Car si on laisse aller cet arbuste à sa guise, sa cime peut atteindre entre cinq et dix mètres et ses troncs tortueux constituer des bosquets. A grands traits, Kléber Rossillon imagine de ramener les sauvageons à la raison en retrouvant le dessin et l’allure de rêve que le château a pu connaitre au temps de sa splendeur. Pendant trois ans au minimum, les hommes vont manier tronçonneuses, sécateurs et cisailles selon leurs inspirations. On tranche, on coupe, on rogne parfois jusqu’au bois. Car le buis qui est là nommé Buxus sempervirens (buis toujours vert) possède une qualité connue depuis l’Antiquité. L’espèce peut supporter le froid, le chaud, l’aridité. Elle trouvera toujours la ressource en elle-même pour prospérer et refaire des tiges et des feuilles, frêles mais neuves. Et sur cette écorce qui semble bien sèche et presque morte, la vie réapparait. En bref, Marqueyssac est un lieu unique en France pour ses buis.

Ouverts au public en 1997, les Jardins de Marqueyssac soufflent cette année leurs 20 bougies et pour l’occasion mettront les bouchées doubles pour fêter cet anniversaire. Cela commencera par une grande chasse aux oeufs de Pâques les 16 & 17 avril prochains. Et dans l’esprit pascal, on proposera aux plus jeunes de participer à des ateliers de décoration d’oeufs, de paniers et de cocottes en carton. Ce même week-end et à beaucoup d’autres occasions en cours de saison (voir calendrier des animations sur site internet du domaine), des activités sportives et ludiques avec des initiations à l’escalade réservées aux enfants à partir de 6 ans sous la surveillance d’animateurs diplômés. Dès 8 ans et pour adultes, encore plus fort avec les 200 mètres de la Via Ferrata des Rapaces. En prenant prise sur les échelons, les palettes, les poutres ou encore les encorbellements qui ont été fixés à la falaise pour faciliter la progression, les amateurs de parcours insolites découvriront la vallée de la Dordogne sous un angle inédit, jusqu’alors réservé aux faucons pèlerins et autres pensionnaires de cet à-pic rocheux.

Marqueyssac aux chandelles du coucher du soleil à minuit les jeudis de juillet/août enrichira vos souvenirs d’été. En effet, lorsque la pénombre se fait présente, 2000 bougies et autres sources lumineuses vont animer les sentiers proches de la demeure et les buis sculptés, un peu comme des étoiles célestes qui seraient tombées dans le jardin. Se promener dans la nuit apporte une autre dimension, les arbres aux cimes éclairées deviennent alors gigantesques. Sur la terrasse d’honneur du château, les « marraines fées » messagères sur échasses venues d’un monde merveilleux marquent le chemin qui mène vers leur univers. Tout cela aux sons d’un piano ou d’un quatuor de saxophones. Une belle soirée assurément !

www.marqueyssac.com
www.viaferrata-marqueyssac.com
Marqueyssac 24220 Vézac 05 53 31 36 36

Pour dormir et manger
* La Couleuvrine à Sarlat, 05 53 59 27 80 www.la-couleuvrine.com
* Archambeau à Thonac, 05 53 50 73 78 www.hotel-archambeau.com
* Le Cygne à Le Bugle, 06 53 06 01 16 www.lecygne-perigord.com

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