Quel point commun réunit le Colorado de Rustrel, les Calanques de Cassis et la Montagne de Reims ? Georges Feterman, professeur agrégé de Sciences de la Vie et de la Terre, en a trouvé un. C’est la beauté. La beauté, tout simplement ! Son dernier livre en témoigne.
La France possède en effet une formidable diversité de paysages dont certains suscitent émotion et émerveillement. Georges Feterman fonctionne au coup de coeur. Sillonner la France pour admirer, décrire, photographier des paysages est un bonheur qu’il ne veut pas se refuser. Mais avant de mettre ses lecteurs sur la route, le professeur retrouve ses notes de cours, l’enseignement qu’il distribue. Et avant même la première image, il explique.
Il explique la genèse des paysages, une science qu’il estime méconnue alors qu’elle est précieuse : la géologie ! Afin de s’y retrouver, pour déguster un site au delà du simple constat esthétique « C’est beau », il estime qu’il faut s’imprégner de l’histoire géologique de la France. A grands traits, il distingue 5 périodes.
1. Voici 300 millions d’années, le massif hercynien se dressait d’est en ouest et faisait émerger les granites qui forment aujourd’hui encore l’épine dorsale de notre pays, en allant de la Bretagne, au Massif Central et aux Vosges.
2. La mer envahit ensuite l’essentiel des territoires actuels de notre pays en déposant des masses invraisemblables de sédiments. Les « îles de granite » trop hautes pour être submergées seront épargnées. Ces dépôts essentiellement calcaires forment l’assise de la Provence, du Languedoc, des bassins Aquitain et Parisien, ainsi que le Jura.
3. A l’ère tertiaire, le soulèvement alpin bouleverse la donne en faisant émerger les vieux granites qui somnolaient paisiblement. Une formidable chaine de montagne surgit, engendrant des conséquences impressionnantes comme le soulèvement du bord du Massif Central et des Vosges, le plissement du Jura, le basculement du bassin Parisien et la formation des volcans d’Auvergne.
4. Pendant l’ère quaternaire, l’alternance des périodes glaciaires et interglaciaires modifie le niveau des océans. Les glaciers continentaux puis les rivières creusent de profondes vallées ou des gorges qui deviendront célèbres : Tarn, Ardèche, Verdon.
5. Arrive enfin l’Homme, au Néolithique, qui en développant son agriculture transforme ce que la Nature lui avait confié avec les conséquences et les risques que l’on connait. Nos paysages actuels sont le reflet de ces évènements.
La promenade peut commencer :
Les grès roses du Cap Fréhel (pages 212/213) s’avancent dans l’océan. C’est l’un des promontoires les plus célèbres de Bretagne. Ses roches sont issues de plages de sable consolidées qui ont plus de cinq cents millions d’années.
L’Etang de Lindre et le Pays du sel (pages 184/185). Une des plus vastes étendues d’eau de Lorraine et paradis pour les amoureux de la nature. Insectes et oiseaux se comptent par milliers : amphibiens, libellules, busards, hérons, grèbes. Avec la complicité des hommes, les cigognes se sont installées des les villages de Lindre-Basse et Tarquimpol, ce dernier délicieuse petite cité bâtie sur une presqu’île.
Le Colorado provençal (pages 94/95) fait penser aux grands paysages de l’Ouest américain dans la plaine d’Apt, au pied du Luberon, et plus précisément sur la commune de Rustrel. Les hommes y ont creusé des carrière dans le passé pour en extraire l’ocre et les ont abandonnées. Il en résulte un paysage insolite fait de cheminées de fées, de déserts miniatures, de collines enchantées. On peut y randonner à loisir.
Le ravin de Corboeuf (pages 166/167) se situe dans le paysage volcanique du Puy-en-Velay. Il fait partie de ses lieux étranges où les argiles, profondément entaillées par les eaux de ruissellement, ont pris un aspect spectaculaire. Quelques arbres ont réussi à s’implanter sur cette terre glaise, vraiment infréquentable par temps de pluie.
Les roches volcaniques de l’Estérel (pages 118/119). A la fin de l’ère primaire, la chaîne hercynienne provençale fut fracturée par de multiples effondrements. Les failles ainsi formées favorisèrent la montée du magma. Ce volcanisme acide déchaina des manifestations très violentes, de type explosif, caractérisées par des laves visqueuses, des projections de cendres et de nuées ardentes. Le calme revenu, les roches se consolidèrent, conservant en partie leurs couleurs de feu.
Le col de l’Izoard (page 22/23). La route qui franchit ce col traverse les rochers déchiquetés du site lunaire de la Casse déserte. L’alternance du chaud et du froid brise les roches, ce qui facilite la constitution d’éboulis. D’étranges pitons dentelés accentuent l’impression lunaire qu’on ressent. Les roches qui les composent, appelées cargneules, furent broyées par la progression des nappes de charriage qui chevauchèrent les Alpes occidentales au Tertiaire.
Les orgues d’Ille-sur-Têt (pages 204/207). Au pied du mont Canigou il y a quelques millions d’années, les vieux granites du massif de Bélesta s’érodèrent sous l’action des eaux de ruissellement. Celles-ci arrachèrent progressivement les minéraux composant la roche, déposant en contrebas des sédiments argilo-sableux sur une grande épaisseur. Le paysage étrange des orgues d’Ille-sur-Têt résulte de ce travail incessant qui isola les colonnes au pied d’argile.
photos de Georges Feterman
Editions Delachaux et Niestlé, septembre 2016, 29,90 euros
ISBN : 978-2-603-02438-6
www.delachauxetniestle.com