CUEILLIR ET CUISINER LES PLANTES ET FLEURS SAUVAGES

Salade

Beaucoup des fleurs sauvages que nous rencontrons en promenade, autant dans la plaine, en forêt qu’en montagne, sont si jolies que tous les enfants et quelques adultes s’en emparent pour faire de petits bouquets afin de les rapporter à la maison. La plupart sont fanés dès le lendemain mais qu’importe, on recommence.

Cependant, certains cueilleurs cherchent dans les livres ce qu’on a pu écrire à propos de ces espèces si attrayantes au regard. Ils découvrent que beaucoup d’entre elles sont parées de vertus alimentaires insoupçonnées. Depuis des millénaires, des populations de « chasseurs et cueilleurs » ont appris à faire le tri entre les plantes bénéfiques et nocives. Les avancées de l’horticulture et de l’agriculture n’ont pas mis fin à leur consommation. Plusieurs centaines de végétaux sauvages sont donc répertoriés dans les manuels les plus savants et une sélection d’entre eux se retrouvent régulièrement listés dans les manuels de botanique ou de cuisine. Noémie Vialard vient de faire sa propre sélection basée sur des pratiques personnelles de jardinière botaniste qui a la passion des fourneaux. Et dans le très joli livre « Balades gourmandes », Noémie partage son expérience.

Quelques mots d’abord pour situer l’auteur ! Noémie a fait tous les métiers de l’horticulture, dont celui de jardinière en des lieux différents. On la retrouve ensuite dans son petit commerce au patronyme bien choisi de l’Arche de Noé. Toutes sortes de plantes y sont proposées selon ses humeurs et sa fantaisie, qualité dont elle ne manque pas. Son dynamisme lui permet d’organiser des salons façon Journées des Plantes. C’est elle qui lance celui de la Roche-Guyon à l’occasion d’un poste de consultante jardin pour l’administration du Val d’Oise.

Noémie a aussi oeuvré pour la presse, notamment chez Rustica, et dans l’édition. Elle défend des valeurs de rêve, d’entraide et d’amitié. Mais aussi tout ce qui se rapporte aux cultures bio, sans engrais d’origine douteuse ni pesticide. Elle encourage les composts, les fumures animales et toutes les conduites responsables qui semblaient appartenir au passé et qui reviennent en force pour devenir des conduites d’avenir. L’âge de la retraite arrivé, elle s’est installée en Bretagne, pas très loin du Mont Saint-Michel. Elle reçoit beaucoup d’amis de passage. C’est un peu table ouverte ! D’où l’obligation de continuer à jardiner pour nourrir décemment tout le monde. On sait qu’elle adore le secret des recettes de cuisine, sentiment conforté par le temps où elle travailla avec Jean-Pierre Coffe. Mais elle aime aussi partager.

Depuis que Noémie est arrivée dans la campagne bretonne, elle en parcourt les chemins et sait y découvrir de petites merveilles dans des récoltes sauvageonnes, comestibles et goûteuses. Cela jusqu’aux fleurs de mimosas et de salsifis sauvages. Toutes ces plantes collectées et les recettes nouvelles qu’elle a concoctées avec son ami cuisinier amateur Stéphane Houlbert remplissent les pages savoureuses de son dernier livre dont voici quelques extraits.

De l’ail aux ours, Noémie repense à cette première rencontre avec de puissantes fleurs blanches et une forte odeur d’ail. Un tapis blanc a perte de vue en sous-bois clair. Comme une apparition miraculeuse ! Le bulbe est trop coriace pour le croquer. C’est mieux de se régaler des jeunes feuilles et surtout des fleurs. Celles-ci tout en décorant les plats apportent une saveur aillée très douce et juteuse. Pour en faire un en-cas qui surprend, elle étale du beurre salé sur une tranche de pain de campagne et y ajoute en couverture feuilles et fleurs finement hachées. Un morceau de fromage ensuite et le convive est rassasié. Ail de culture facile au jardin !

L’aubépine bien sûr. Quand vous replanterez une haie de jardin, il faut y inviter quelques tiges ici et là. Vous serez heureux d’en retrouver les fleurs et les feuilles (fraîches ou séchées) disposées dans l’eau bouillante. Dix minutes d’infusion et boire chaud ou froid. Idéal contre le stress. Noémie décore aussi ses fromages blancs avec des fraises et des fleurs d’aubépines en bouton ou à peine ouvertes. On peut ajouter sel, poivre, fleurs de bourrache et un peu de crème fraîche.

Les fleurs de colza sont comestibles au même titre que celles des choux des jardins, dont le chou-colza est une variante agricole. Noémie ne les cultive pas, mais elle part à leur rencontre sur les chemins où de petites colonies se sont échappées des champs. Ceux-ci n’ont pas reçus de shampoing à l’herbicide. Jeune, la pointe des tiges avec fleurs apporte du piquant aux salades. Moins jeunes, les tiges sont cuites en soupe, potée, pot-au-feu. On relève le goût avec oignon, ail et lard fumé. Cher colza, beau et bon à la fois !

Pour Noémie, l’hémérocalle procure la meilleure des fleurs à manger. Charnue, rafraîchissante, crue, elle croque en bouche. Certes, en France, ce n’est pas une plante sauvage et elle s’échappe rarement des jardins. Il faut donc se résoudre à puiser dans le stock abondant que procure les massifs plantés du jardin. Existe en toutes couleurs du jaune pâle au brun foncé, les goûts variant un peu. C’est une mode de les servir aux petits-déjeuners au Québec. On peut aussi les cuisiner avec langoustines, palourdes, asperges vertes, huile et sel. La recette est dans le livre.

On ne saurait oublier les pissenlits dont la repousse sonne la fin de l’hiver. Il faut en récolter les rosettes de jeunes feuillages et aussi les boutons, c’est à dire les fleurs avant qu’elles s’épanouissent, lorsqu’ils sont encore bien plaqués au sol, fermes avec un goût de noisette. A la fois cuisinière et homéopathe, Noémie passe en revue toutes les vertus du pissenlit sauvage qu’elle laisse pousser sur son domaine. Et pour faire bonne mesure, elle ajoute la recette de « sa » salade de pissenlits. Un vrai repas à elle seule !

Balades gourmandes par Noémie Vialard et préface de François Morel
Delachaux et Niestlé, janvier 2017, 19,90 euros.

neomie