Mise en scène dans un livre aux dessins exemplaires, on se retrouve assez vite dans les carrés du Potager du Roi en présence de légumes et de fruits oubliés dont les noms sonnent bon notre Histoire de France : carotte de Colmar à coeur rouge, tomate Coeur de Boeuf ou encore poire Bon Chrétien d’Hiver. Trois exemples sur plus de cent croqués sur le vif par la talentueuse Raphaèle Bernard-Bacot.
A deux pas du Château de Versailles et depuis sa création, le Potager du Roi est un lieu d’enseignement, tout autant qu’un site d’expérimentation et de transmission. Aujourd’hui cultivé par l’Ecole nationale supérieure du paysage, il offre à ses étudiants promis au métier de paysagiste, à ses jardiniers et à ses visiteurs une accumulation de sensations diverses fort réjouissantes.
Après avoir quitté le quartier animé de la Cathédrale Saint-Louis, avec ses rues passantes et ses nombreux commerces, une fois franchie la grille d’entrée, le calme opère et peu à peu on a le sentiment de remonter les siècles. Les aiguilles de la montre s’arrêtent et nous plongeons dans un monde merveilleux. Un monde de senteurs avec le parfum de la sauge ananas qui agace ou qui charme, celui de l’herbe fraichement coupée, de la rafle de tomate à nulle autre pareille, de l’humidité des feuilles après un arrosage.
Le trésor se découvre aussi avec les sons car on entend bien sûr le jet du bassin central qui monte et retombe, l’âne qui brait, le vent qui agite les feuilles, les merles moqueurs en écho à d’autres sonorités venant des perruches et rouge-gorges. Bref, on l’aura compris, le Potager du Roi est magique puisque durant plus de trois siècles il n’aura jamais cessé de plaire aux amateurs d’histoire et de jardins. C’est dans cet univers enchanté que la dessinatrice Raphaèle Bernard-Bacot s’est perdue avec tout son attirail professionnel fait de carnets, stylos, carton à dessin, boîte d’aquarelle et trousse à pinceaux.
Saison après saison, hiver comme été, elle a capté l’atmosphère du lieu à travers une somme de croquis très enlevés. Le trait paraît facile, presque enfantin, sans doute la marque d’une pratique bien aguerrie, et le jardin sous nos yeux défile page après page. Tout y passe, en vues générales sur les riches perspectives d’architecture comme en gros plans de feuilles, de fruits, de racines, de turions et de fleurs. C’est un panorama quasi complet de ce qui est produit et aussi vendu selon un calendrier maison. Les Versaillais ont à leur porte un endroit charmant et un approvisionnement particulièrement sain puisque le Potager du Roi s’oriente sans retour vers des techniques culturales délaissant l’arsenal chimique qui fut un temps bien en vogue.
Le carnet dessiné raconte un voyage qui a duré trois ans et qui décline les neuf hectares faits de différents jardins et carrés et qui comptent au minium 450 variétés fruitières et 400 variétés légumières. Formée à l’Ecole supérieure des arts graphiques Penninghen à Paris, Raphaèle a d’abord mis la danse au coeur de son travail d’artiste, avec des années passées au contact des danseurs et chorégraphes. Depuis 2012, c’est au rythme des saisons que mûrit son oeuvre. Elle s’est prise de passion pour les fruits, les légumes, les jardins en général, a découvert l’agroécologie et créé une série intitulée « Les fruits dansés ». Le Potager du Roi l’accueille depuis 2013 et elle continue d’y dessiner régulièrement.
www.rbernardbacot.com
Le Potager du Roi, dessins de saison à Versailles
avril 2017 96 pages 15 euros
www.glenatlivres.com