L’église Saint-Michel-des-Lions est l’une des principales églises de Limoges. Elle doit son nom aux deux lions gallo-romains de pierre qui gardent son entrée. C’est ainsi qu’on présente ce lieu sur les plaquettes touristiques. Eric Boutaud, guide-conférencier ville d’art et d’histoire à Limoges, officiant à l’Office de Tourisme de la ville, rencontré à l’occasion de http://georgeslevequejardins.com/limoges-la-frairie-des-petits-ventres/ a accepté de présenter en détail l’édifice religieux et les multiples richesses qu’il contient.
Devant l’église, deux créatures éponymes montent la garde. De pierre certes… Ces sculptures animalières font corps avec un socle semi-cylindrique sur lequel ils se dressent. Evoqués pour la première fois au XIème siècle, les lions de l’église ont suscité de nombreuses interprétations, parfois fantaisistes. Leur origine semble remonter à l’antiquité. L’archéologue Jean-Pierre Loustaud propose cette piste : deux lions se dressant à des fins de protection sur un mur d’enclos funéraire. Une nécropole voisine peut-être … Puis, comme l’indiquent des encoches, les sculptures furent déplacées devant le portail du clocher de Saint-Michel autrefois entouré par un cimetière. Une hypothèse supplémentaire les assimile à la pratique judiciaire du clergé dont le formule « datum intra duo leones » renvoie au jugement pratiqué aux portes des églises. Nul doute que ces fauves assument toujours un gardiennage paisible, forces tranquilles ayant l’œil sur l’impétrant.
Etrange boule métallique. Bilboquet, sujette à maintes histoires, laissant son nom à des menus gastronomiques, la boule de Saint-Michel est un emblème de Limoges visible depuis les quatre coins de la ville. A juste raison puisqu’elle trône sur un clocher de 68 mètres qui en gagne trois grâce à elle et la petite croix qui la surmonte. Le clocher, dont la base carrée s’élève vers des niveaux octogonaux flanqués de clochetons d’angle jusqu’à la flèche, est un modèle du genre. Semblable à d’autres réalisations limousines, il est achevé en 1383 dans un contexte de reconstruction ambitieuse de l’édifice au sein de la ville des marchands. Sensation presque paradoxale d’élancement gracieux contrastée par des matériaux massifs, mais avec de fort belles assises livrées par le granite. Au sommet donc, une boule verdie par le cuivre oxydé. L’origine de cette boule remonte au début du XIXème siècle. Sur les recommandations d’un militaire, on établit un point « pour faciliter les opérations de triangulation et les mesures géodésiques ». Il s’agit aussi d’offrir un paratonnerre à ce monument régulièrement frappé par la foudre. Mais trop lourde, elle fut remplacée en 1914 par une version ajourée. Si le drapeau des ostensions flotte tous les 7 ans comme un appel, on trouve plus quotidiennement un passant initié s’extasiant sur son diamètre de 1,70 m où il se verrait bien captif !
L’intérieur de l’église traduit la hardiesse des bâtisseurs enclins à manifester un plan original en terre limousine. Selon un modèle déjà exécuté à la cathédrale de Poitiers, l’église Saint-Michel-des-Lions est semblable à une halle voutée de nervures. Fruit d’une phase de travaux entamée en 1364, l’édifice profite d’un ample volume destiné à recevoir des fidèles urbains, notamment marchands, artisans confortés par les coutumes municipales délivrées par le prince de Galles en 1365. Le sanctuaire, peu obstrué architecturalement, se lit avec clarté depuis l’entrée occidentale où le regard porte loin sur l’espace liturgique. La nef haute de 14 mètres est divisée en trois vaisseaux de largeurs inégales jusqu’au chevet plat. La continuité des files de piles sveltes différencie peu les fonctions, allant jusqu’à supprimer le transept au profit d’entrées latérales. Les chapelles s’insèrent de part et d’autres dans des murs en granite monumentaux. Spectaculaire est la déformation des piles accusant un devers de plus de 20 cm. Sensation réelle donc, aujourd’hui maitrisée par des consolidations diverses non visibles.
Conservant les reliques d’illustres saints en ses murs, l’édifice est le point de départ des ostensions limousines, cérémonies religieuses et culturelles millénaires liées à leur culte. La rareté de cette manifestation, tous les sept ans seulement, confère une aura symbolique et précieuse à ce lieu devenu un immense reliquaire. Monument gigogne, les reliques sont dissimulées dans des dispositifs d’emboitement. Ainsi a été installé contre le chevet un monument calcaire sculpté en 1889 orné d’ogives et de colonnettes recevant des autels dédiés de gauche à droite à sainte Valérie, saint Martial et saint Loup. De nombreux bas-reliefs donnent l’ascendant à Martial, figure tutélaire, dont l’artiste sur demande de son commanditaire a favorisé le récit hagiographique inspiré de « vitas » posthumes remplies de miracles. Au centre, surmontant le gisant de saint Martial, une grande chasse de chêne recouverte de cuivre y est blottie. Elle se ferme par une porte à quatre serrures dont les clefs sont détenues par autant de personnes. A la sortie, douze porteurs soulèvent l’objet de 450 kilos. A l’intérieur, une coupe reçoit le crâne du grand saint limousin.
Saint Martial est considéré dans la tradition chrétienne comme confesseur et évangélisateur de la Gaule et premier évêque du diocèse de Limoges. Sous l’impulsion du moine Adémar de Chabannes, il fut proclamé apôtre à l’issue d’un concile tenu en 1031. Autour d’un premier tombeau dans une nécropole où il fut inhumé, de nombreuses églises furent érigées formant une abbaye prestigieuse attirant foule de pèlerins, religieux, artistes, nobles… L’abbaye Saint-Martial, foyer artistique du Moyen-Age, ne réunissait plus que quelques chanoines lorsqu’elle fut vendue à la Révolution et démantelée. Les reliques furent déplacées en 1790 à l’église Saint Michel où elles furent brisées trois ans plus tard. Sauvées malgré tout, elles réapparurent, furent installées dans la présente chasse et demeurent aujourd’hui sous la vigilance de la Grande Confrérie de Saint-Martial dont les premiers statuts ont été rédigés en 1386.
Enchâssement ! Tabernacle au centre, grille préservant la châsse, de part et d’autre saint Austriclinien et saint Alpinien, deux compagnons de saint Martial connus dès le VIème siècle par Grégoire de Tours. Ils étaient enterrés près de leur maître, mais le corps d’Alpinien fut transféré dans le prieuré que Saint-Martial avait en Berry, à Ruffec, où il fut abrité au XIIème siècle dans une châsse émaillée.
L’Autel de sainte Valérie, intégré dans le mobilier monumental du choeur, illustre la vocation hagiographique de l’édifice. Il investit le récit miraculeux d’une jeune femme convertie au christianisme dans le sillage de l’évangélisateur Martial. Native d’Augustoritum, ville antique et païenne qui a donné Limoges, son destin d’épouse semble scellé quand elle rencontre la foi nouvellement prêchée. Sa ferveur signe son arrêt de mort. Condamnée, décapitée, elle reste pourtant droite face à ses persécuteurs. Ainsi sur le bas-relief, Valérie présente sa tête à Martial, épisode de la décollation dont les vitas médiévales fixèrent l’image. Porteuse de tête ou céphalophore, Valérie fait l’objet d’un culte important. Longtemps, ses restes reposèrent en la prestigieuse abbaye Saint-Martial. Au Xème siècle, les moines transférèrent les reliques de sainte Valérie sur les bords de la Voueize, dans l’actuel département de la Creuse. Un monastère y fut installé donnant peu à peu naissance au bourg de Chambon-sur-Voueize. Une confrérie composée uniquement de femmes fut créée en 2002 pour perpétuer le culte de sainte Valérie, dont l’église Saint-Michel-des-Lions possède la mâchoire inférieure, Chambon conservant le reste du crâne.
La chapelle du Crucifix est dominée par une composition monumentale de Jean-Baptiste Gardel « La vierge intercédant pour les âmes du Purgatoire » réalisée au XIXème siècle. Au dessous, le retable et le crucifix semblent être du XVIIème siècle, tout comme le tableau à gauche « La mort de sainte Valérie » par Claude Vignon. La toile des pèlerins d’Emmaüs est la copie d’un tableau de Philippe de Champaigne « Le souper d’Emmaüs » réalisé pour l’hôpital du Val-de-Grâce et aujourd’hui au musée des Beaux-Arts d’Angers. C’est une des rares toiles de ce peintre à présenter des personnages à mi-corps. L’influence de Raphaël est sensible dans le détail de la salière en forme de pyramide. Ainsi, le mobilier de Saint-Michel réserve quelques belles impressions dont deux piétas polychromes du XVIème siècle, une magnifique vierge à la grappe nichée à l’extérieur sur le portail de style flamboyant et dans l’enfeu de chapelle de la confrérie une émouvante statue de sainte Valérie. L’inclusion récente d’émaux, matière éclatante pratiquée dans la ville des arts du feu, donne un souffle nouveau à l’art sacré du lieu.
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