La visite des jardins, des pépinières et des jardineries qui restent ouverts au coeur de l’hiver est une inépuisable source d’informations. On y voit les jardiniers à l’ouvrage et comme les visiteurs sont peu nombreux à cette époque ils ont le temps de bavarder un peu et répondre aux questions.
C’est ainsi qu’on découvre un superbe exemplaire de Cryptomeria japonica elegans au jardin de Sasnières (41). Le feuillage plumeux dont il se pare lorsque le soleil se fait rare le rend hautement attractif. C’est un conifère qui peut prendre de l’embonpoint avec le temps. Mais il ne pousse pas en flèche comme la plupart des membres de sa famille. Il prend son temps pour s’élever avec des formes inattendues. Le contraste tronc gerçuré et feuillage si tendre, si souple au regard, passant du vert bleu en été au prune pourpré en hiver à de quoi émerveiller l’esprit le plus blasé.
Dans le jardin de feu Jean-Pierre Coffe (28) ouvert à la visite de temps en temps, par une journée de givre tout à fait exceptionnelle le 1er janvier dernier, trois merveilles offraient leur charme hivernal. D’abord la floraison puissante et légèrement parfumée d’un buisson imposant de Mahonia Charity. Le mahonia ordinaire de jardin, Mahonia aquifolium, beaucoup plus petit en végétation (rarement plus de 2 m) a des fleurs jaunes à odeur de miel mais seulement en mars ou avril. Charity est beaucoup plus haut. A quinze ans et en bonne terre, ceux d J-P. Coffe font presque 4 mètres. Jamais malades, vigoureux, fleuris de décembre à février sur des tiges robustes avec un très joli feuillage, ils sont là comme des marqueurs impossibles à manquer. En alignement, plantés sur deux rangs en quinconce, ils forment une haie quasi-impénétrable. Rien d’équivalent en puissance pour le jardin à ce moment de l’année ! Les deux autres merveilles n’étaient pas des fleurs mais des fruits. Ceux rutilant d’une rosier liane palissé sur une immense pergola et que les oiseaux n’avaient pas encore touchés. Le nom de ce rosier a été perdu. Mais la firme André Eve (45) commercialise plusieurs rosiers lianes très fructifères : Bobbie James, Château du Rivau, Francis E. Lester, Lykkefund, Rambling Rector. Et ceux d’un petit pommier décoratif, le Malus Red Jewel. Ces plantes forment des fruits dans le courant de l’été et se font remarquer à partir de septembre dans les deux cas. Leurs dimensions et leurs teintes s’intensifient en automne. Selon les variétés de Malus, les petites pommes varient du jaune au rouge. Et certaines sont consommables en cours d’hiver (un peu aigrelettes certes !) si les oiseaux ne sont pas passés avant vous.
Les fruits décoratifs qui persistent longtemps sur la plante sont un décor à part entière. Il est un autre arbuste, le Bambou sacré parce que les taoïstes lui accordent des vertus et de son vrai nom : Nandina domestica. Sa végétation dépasse rarement 2 m, avec des bouquets de fleurs blanches en été et puis des baies rouges de 1 cm. La conservation de ces bouquets de baies au rouge puissant tout l’hiver est remarquable. Il faut bien dire aux enfants de ne pas les goûter car elles sont dangereuses. C’est l’espèce type qui produit cette fructification. Pas les variétés qui en découlent. Elle dure jusqu’en mars.
Puisque le mot bambou a été évoqué à propos du Nandina, un des plus solides bambous à planter là où rien ne veut pousser comme dans un jardin de cour sans trop de terre, et sous les climats des plus chauds aux plus froids, on peut toujours penser à Pseudosasa japonica qui fut très à la mode dans les jardins du 19ème siècle sous le nom de Bambusa metake. Attention au pouvoir envahissant de ses tiges souterraines qui se faufilent dans les cultures voisines en les condamnant.
Dans la plupart des pépinères du Pays-Basque, du Sud-Ouest et de Bretagne, on trouve des camélias (Camellia si on écrit en latin) de toutes sortes. L’espèce Camellia sasanqua a la particularité de fleurir avant ceux qu’on connait davantage pour les avoir vu quelquefois hauts de 4 mètres dans les vieux jardins de bord de mer en Finistère et Morbihan. Oui, le groupe des sasanqua sait se faire remarquer au coeur de l’hiver, même parfois dès l’automne. Les sasanqua sont plus légers en apparence car leur bois est particulièrement mince et les feuilles plus fines, moins coriaces. Une constellation de fleurs qui fait penser à une nuée de papillons posés sur la pointe des pattes, de bas en haut sur l’arbuste. Le Jardin François (61) en cultive une belle collection. L’Orne dont le climat n’est pas mentionné comme un des plus doux montre bien que la gamme sasanqua n’est pas aussi fragile que les livres nous l’enseignent. La rusticité est souvent une affaire de techniques culturales. Une plante bien traitée, bien cultivée, bien nourrie sera toujours plus résistante aux intempéries. Pour les camélias, c’est assez simple. Pas de calcaire dans la terre qui les reçoit. Mais des mélanges riches en humus, terreau de feuilles, fumier et terre de bruyère, le tout mélangé dans des proportions équilibrées. Et des pulvérisations d’eau sur les feuillages en cas de chaleur et sécheresse estivale.
Trouver le juste équilibre entre les sols qui sont proposés et les plantes elles-mêmes réclame de connaitre les besoins de ces dernières. D’où l’intérêt de bavarder avec les professionnels quand on perçoit qu’ils sont compétents. Un exemple ! Promenez-vous dans les jardins du Château de Villandry (37) ouverts à l’année. Toute conversation sera leçon ! la dizaine de jardiniers qui s’affairent dans les parcelles connaissent leur métier. Ils permettent de tenir en bon état et durablement tous les arbustes du jardin. C’est particulièrement vrai pour ceux qui sont élevés en pot comme les nombreux citronniers qui ornent les parterres l’été et qui passent l’hiver dans les orangeries, en l’occurence des couloirs voutés. Un éclairage complémentaire leur est apporté quelques heures ainsi que des nourritures spécifiques. Ce sont des engrais complets en poudre ou granulés qui sont posés à la surface de la terre, puis enfouis dans les premiers centimètres du bac en prenant soin de ne pas briser les racines, des engrais à base de corne, d’os, et de sang séché.
Si vous allez dans une jardinerie et si vous rencontrez en petits pots des touffettes de feuillage vert tendre étiquetées Scleranthus uniflorus, ce n’est pas de la mousse contrairement aux apparences. Mise en pot, cette plante bien vivace va devenir un joli tapis agréablement courbé et dodu. En jardin japonais, auge alpine et rocaille, cela peut devenir un gazon à pousse lente dans lequel les mauvaises herbes ne parviennent pas à trouver place. Pousse lente mais régulière. Végétal accommodant ne semblant souffrir d’aucun ennemi.
carnet d’adresses
Coffe, à Lanneray (28200) 06 08 00 23 79
Sasnières (41310) 02 54 82 92 34
Villandry (37510) 02 47 50 02 09
André Eve, domaine de Chamerolles-Gallerand, 45170 Chilleurs aux Bois 02 38 30 01 30