CONFRONTATION D’IDÉES ENTRE ARCHITECTES

Deux architectes, Jean Mus et Jean-Michel Wilmotte, têtes d’affiche des jardins pour Mus et des bâtiments pour Wilmotte, se sont rencontrés sur des chantiers et se sont appréciés, même si sur de nombreux sujets leurs avis divergeaient. Au point de faire un livre ensemble pour confronter leurs désaccords, avec Dane McDowell, animatrice du débat « lignes courbes contre lignes droites ». Publication des Editions Ulmer, octobre 2018.

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L’architecte de jardins Jean Mus a croisé la route d’un des architecte bâtiments parmi les plus connus de sa profession, Jean-Michel Wilmotte, et le temps les a liés profondément. Le premier dirige un atelier de paysage, Jean Mus & Compagnie, depuis Cabris, délicieuse petite cité provençale sur les hauteurs de Grasse. L’autre réunit tous les talents : académicien, architecte, urbaniste. Il est à la tête de Wilmotte & Associés, une structure présente dans les secteurs du luxe, de la culture, de l’hôtellerie et du tertiaire. Implantée à Paris, mais aussi à Nice, Londres, Séoul, Venise, elle fédère 275 collaborateurs de 25 nationalités qui oeuvrent aux quatre coins du monde.

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Grâce à des ouvrages de librairie édités ces dernières années, Jean Mus a eu l’opportunité de rencontrer Dane McDowell, une plume fleurie très à l’aise quand il s’agit d’évoquer le monde des jardins et de faire parler des jardiniers. Qui des trois a eu l’idée de confronter leurs points de vue sur l’art des jardins en composant un nouveau livre ? on dira que pour les trois personnages c’était devenu une évidence. Les Editions Ulmer viennent ainsi de publier leurs échanges, antagonistes à l’occasion.

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La recherche du beau les a toujours guidé l’un et l’autre. Et aujourd’hui encore, à l’apogée de leur carrière, ils se laissent volontiers surprendre et émouvoir par la simple beauté des choses : un paysage, un ciel nuageux, une oeuvre d’art, une musique, un grand vin. Curieusement, tous les deux ont gardé une fraîcheur et ce fameux don de l’émerveillement. Tous les deux défendent souverainement leur indépendance et ils n’obéissent à aucun diktat philosophique ou politique. Ils s’expriment avec des approches différentes, l’intellect et la rationalité pour l’un, la sensualité et l’émotion pour l’autre. Avec Jean Mus, le créateur doit exalter les particularités du site quand, pour Jean-Michel Wilmotte, la création d’un jardin oblige à repenser la rencontre de la nature avec un environnement construit. Si on les pousse un peu plus loin dans la réflexion, le jardin c’est la nature qui dialogue avec l’architecte pour Wilmotte alors qu’avec Mus le jardin est un tableau, car le jardin raconte à sa manière une histoire fusionnelle avec la nature. A titre d’exemples concrets, voici parmi beaucoup d’autres deux thèmes traités dans le livre.

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Tout surgit de la ligne ! Ce trait continu se réduit à sa longueur. Cette invisible épaisseur conduit le regard dans une direction déterminée et répond à une exigence : l’atmosphère du lieu.
Wilmotte.-  La ligne droite, c’est le réconfort du regard. Un de mes premiers coups de coeur est une promenade dans une allée forestière dont je ne voyais pas la fin. Dans le vocabulaire architectural, la ligne droite est l’unité et la mesure d’une abstraction formelle et la base d’un code personnel.
Mus.-  Pour moi, la courbe est le réconfort du regard, car elle est naturelle. D’ailleurs le corps humain n’offre au regard aucune ligne parfaitement droite. Les lettrés le savent, une belle écriture comportent pleins et déliés. Et comme le disait William Kent célèbre paysagiste du XVIII° siècle « la nature a horreur de la ligne droite ».

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Les parterres invitent le regard à s’arrêter sur un détail sans perdre de vue l’ensemble du jardin. Mus borde les allées de plantes vaporeuses pour adoucir les angles saillants de la pierre. Il utilise la couleur avec la sensibilité d’un peintre, en posant des aplats de mauve faits de champs de lavande qu’il fait onduler comme une étendue d’eau sous la brise. En toute logique, Wilmotte surligne les allées de bordures de béton lissé et préfère les topiaires géométriques et les alignements rectilignes pour accompagner son architecture.
Wilmotte tranche ainsi : « Ne comptez pas sur moi pour reproduire le salon des Floralies sur mes chantiers. J’aime les topiaires, les compositions géométriques élaborées avec des buis, des mousses et des pierres que l’on trouve dans les jardins japonais. »
Mus adoucit le propos « Les massifs nous renseignent sur le fil des saisons. J’aime travailler les moutonnements de petits arbustes comme les teucriums, les lauriers tin et les pistachiers lentisques, ou encore par des boules de santoline, de myrte et de romarin. Tous ces arbustes sont d’ailleurs parfaits pour remplacer le buis actuellement décimé par chenilles et maladies. Je préfère une symphonie de verts plutôt qu’une polychromie de fleurs. Mais c’est surtout le parfum qui m’intéresse et très souvent le paysagiste devient parfumeur. Ce sont alors des moments très délicats et jouissifs que je partage, entre autre, avec mon ami Jean-Claude Ellena, maître incontesté des rencontres olfactives. »

www.editions-ulmer.fr
minéral/végétal   35 euros
www.wilmotte.com
www.jeanmus.fr