L’oeuvre du peintre Jean Cotelle (1646-1708) est présentée au Grand Trianon du Château de Versailles jusqu’au 16 septembre 2018. C’est la première exposition consacrée à cet excellent miniaturiste. Il avait touché le coeur de Louis XIV qui lui avait confié la décoration du Grand Trianon. L’ensemble de sa carrière est ici présentée, au travers d’une centaine d’oeuvres, dont les 21 tableaux de la grande galerie récemment restaurés grâce à la mobilisation de mécènes. Pour l’occasion, les jardiniers du Grand Trianon refleurissent les parterres à l’image des représentations de l’artiste.

UN ENSEMBLE UNIQUE
Très apprécié à son époque, il se voit confier l’essentiel de la décoration de la Grande Galerie, soit 21 tableaux exécutés à partir de 1688. Pour ce lieu, long de 53 mètres et rythmé par 16 grandes baies donnant sur les jardins, Jean Cotelle opte pour des toiles de format vertical. Elles représentent chaque bosquet des jardins de Versailles agrémenté de personnages tirés de la mythologie ou de fables, disposés en deux registres (terrestre et céleste), en prenant modèle sur les paysages bucoliques du peintre bolonais l’Albane. Ce cycle constitue un ensemble unique, révélateur du goût de Louis XIV pour ses jardins. En écho aux toiles sont également présentées 14 gouaches de Cotelle représentant en miniature les tableaux de la galerie. Béatrice Sarrazin, conservateur général du patrimoine, est commissaire de l’exposition.

DU ROI IL A SAISI LES RÊVES
Pour Catherine Pégard, présidente de l’Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, qui reçoit la presse le 11 juin, faire revivre Jean Cotelle dans la galerie du Grand Trianon qui porte son nom a d’abord relevé d’un défit, celui de restaurer des oeuvres passablement outragées par le temps. D’une carrière longue et contrastée, qui aurait pu être plus brillante, émerge cette création unique dont la singularité mystérieuse renforce le charme. A l’exception de ces 21 tableaux qui lui ont dessiné une postérité, tout semble éclipse dans la vie de Cotelle, avant même que son travail ne se perde. Et pourtant, il a côtoyé le soleil, Louis XIV, sans qui rien n’aurait été possible. Plus étonnant encore, il en a saisi les rêves. Si on ne sait pourquoi Louis XIV le choisit pour exécuter l’essentiel de la commande destinée à illustrer le manuel qu’il écrit  lui-même sur « la manière de montrer les jardins », on comprend que l’artiste épouse le regard du roi. Ses tableaux sont un condensé des jardins dans la précision de leurs frondaisons, de leurs allées et de leurs jets d’eau. Mais on ne déambule pas seulement dans la galerie des Cotelle comme dans les bosquets de Versailles. Les jardins s’animent de la mythologie puisée chez Ovide et La Fontaine. Ils ont l’élégance des tracés de Le Nôtre mais sont aussi une spectacle comme ils le sont dans la réalité.

UN POINT D’HISTOIRE
1668 Achat du village de Trianon par Louis XIV et création à son emplacement d’un jardin de treillages.
1670 Construction d’un premier château par l’architecte Louis Le Vau. C’est le Trianon de porcelaine qui est achevé par François d’Orsay pour abriter les amours du roi avec Madame de Montespan.
1687 Destruction du Trianon de porcelaine et construction du Trianon de marbre par Jules Hardouin-Mansart, rapidement transformé par Robert de Cotte, avec la création d’un péristyle. André Le Nôtre est chargé des jardins.
1688 Le château est terminé et meublé. Premières commandes des peintures.
1689 Représentation d’un ballet dansé par les dames de la cour, le Palais de Flore, en présence de Jacques II, roi d’Angleterre en exil à Saint-Germain.
1692 Le roi installe son nouvel appartement dans l’aile gauche du château.

LA GALERIE DES COTELLE
Reliant de plain-pied le Salon Frais et le Salon des Jardins, la galerie ouvre sur les parterres au sud et le bosquet des Sources au nord. Baignée par la lumière, envahie par le parfum des fleurs et dotée de miroirs, cette longue pièce devient le reflet de la nature environnante. Vingt-quatre tableaux représentant les jardins de Versailles répondent aux grandes ouvertures vers cette nature. Cotelle en signe vingt et un, Etienne Allegrain deux et Jean-Baptiste Martin un. Dans ces tableaux, Cotelle fait du bosquet un décor adapté à la narration d’épisodes mythologiques ou de fables. Un monde idéal et galant s’y déploie : celui de l’Olympe descendu sur Terre ; un monde de figures aux physiques semblables, éternellement jeunes, pareillement vêtues, de dieux reconnaissables à leurs attributs, et d’amours souvent dissipés.

UN FLEURISSEMENT EXCEPTIONNEL
Pour accompagner l’exposition et inviter à la découverte des jardins du Grand Trianon, les jardiniers du domaine se sont inspirés du tableau et de la gouache de Cotelle « Les parterres du Trianon de marbre avec Zéphyr et Flore endormie » pour créer une nouvelle composition des parterres hauts pour la belle saison. Comme les essences représentées étaient difficiles à identifier avec précision, l’objectif des jardiniers n’était pas de réaliser une restitution exacte mais d’offrir une composition riche et subtile dans l’esprit des parterres de la fin du XVIIème siècle.