A la fois livre d’art des Jardins et de botanique, le dernier opus édité par Ulmer sur l’oeuvre du paysagiste Jean Mus est également un grand et beau livre qui restera la meilleure référence pour évoquer la carrière de ce jardinier tout à fait exceptionnel. Jardinier certes mais homme d’affaires et homme du monde tout autant ! C’est aussi un personnage international. Et pourtant rien ne l’y prédestinait puisque élevé dans un famille modeste. Jean Mus s’est forgé une cuirasse d’aventurier.
Dans les années 1970, après avoir obtenu son parchemin de l’Ecole du Paysage de Versailles (paysagiste DPLG), il s’installe modestement sur les lieux de sa jeunesse et il rayonne entre Grasse et Cannes. Les Soeurs Schneider qui a l’époque font les beaux jardins locaux ont repéré ce personnage jovial et déjà haut en couleurs qui déboule dans une voiture de sport. Son père a été jardinier dans les grandes maisons de la côte, dont celle de la famille du vicomte de Noailles, autre célébrité jardinière et culturelle du moment. Jean a grandi dans cette atmosphère des familles « bien nées » où chaque demeure a son jardin élégant et tout en nuance, reflet de la Côte d’Azur de la période 1850-1950.
Il est évident que ce garçon a des facilités pour le théâtre (passion de jeunesse) et les langues. Son anglais excellent (pas si fréquent chez les paysagistes français du moment) lui permet de trouver des missions en Orient. C’est l’époque où les monarchies du Golfe Persique se mettent à copier l’Occident. Son sens des relations publiques lui fait vite rencontrer la bonne personne au bon endroit. Ces premiers succès renforcent son appétit et le voilà qui parle d’égal à égal avec une riche clientèle bien présente entre Saint Tropez et Menton, ainsi qu’avec des architectes et décorateurs de renom. Son carnet d’adresses s’étoffe grâce au travail qu’il fournit. Dès qu’il en a l’opportunité, il installe son bureau d’études à Cabris, jolie cité dans les collines au dessus de Grasse, là même où il habite désormais. Trois minutes en voiture entre le bureau et la belle olivaie qu’il transforme en jardin à la suprême élégance et carte de visite bien vivante où il reçoit les clients qui sont devenus ses amis.
Chaque jardin réussi en amène un autre, d’autres… Jean semble infatigable et son charme opère. C’est un séducteur qui sait parler aussi bien aux riches clients, aux artisans qui réalisent ses plans qu’aux jardiniers qui vont entretenir et mettre en forme ce qu’il plante.
La presse internationale relate ses travaux depuis plus de trente ans. Ils occupent aussi une place de choix dans beaucoup de publications et ouvrages d’édition. Le maître mène maintenant la vie animée des gens célèbres. Un jour on le voit à Saint Tropez, puis ensuite à Monaco où il a travaillé entre autre pour la famille princière. Un peu après c’est à Nice où il a remanié les jardins du Carlton. Une autre fois c’est Paris avec le chantier de refonte totale de l’hôtel Ritz. Son savoir-faire, sa détermination et son charme donnent confiance jusqu’en Grèce, Espagne, Usa, Afrique du Nord, Allemagne.
Avec Philippe Perdereau qui a fait les photos de ce dernier livre (merveilleuses photos !) et avec Dane McDowell qui a su mettre en belles formules toutes les délicatesses et les précisions, ce livre restera un marqueur précieux et inoubliable sur la conception et les réflexions qui font des jardins de Jean Mus ce qu’en musique on a coutume de nommer des masterpieces.
Chaque lecteur sera impressionné par les photos, aussi belles que descriptives. Et chaque connaisseur découvrira des approfondissements sur l’art des jardins façon Jean Mus. Cette culture du jardin méditerranéen pour Jean Mus remonte à des maitres plus anciens tels Ferdinand Bac et Russell Page qui ont tant oeuvré sur la Riviera. A sa façon, il prolonge leur regard avec des techniques modernes et des voeux renouvelés d’une clientèle contemporaine. Au fil de près de 200 pages, on a plaisir à découvrir ou se remémorer ses plantes fétiches. Ah ! les pittosporums, lavandes, jasmins et pérovskias qui apportent leurs parfums. Et combien d’autres indispensables pour la force de leurs couleurs et la singularité de leurs formes ! Et toutes ces espèces qui peuplent la forêt méditerranéenne, garrigue ou maquis, il les plante par vagues avec un souci d’intégration du jardin dans le paysage. Car n’oublions jamais que le jardin privé doit se faire discret dans ses limites pour se fondre sans heurts dans les espaces sauvages qu’il côtoie. Ce livre est une belle leçon de jardin, au minimum !
Jean Mus Jardins méditerranéens contemporains. Editions Ulmer. Parution le 13 octobre 2016. Prix TTC France 45 euros.