Donatienne de Séjournet, licenciée en histoire de l’art et passionnée de jardins, associée au photographe César Garçon, vient de signer aux Editions Ulmer un excellent livre « La Belgique des Jardins » qui présente 34 jardins qu’elle considère incontournables. Voici pour la fin de l’année l’ouvrage cadeau par excellence pour les amateurs de jardins et les amoureux de la Belgique.
« A la différence d’une oeuvre d’art, l’histoire d’un jardin n’est jamais close, car il est, comme l’a défini la Charte de Florence en 1981, un monument vivant qui s’inscrit dans la durée. Il se conçoit pour ne se révéler que bien plus tard. Son incessante évolution en fait une oeuvre fragile et perpétuellement inachevée, où chaque vision se saisit dans l’instant. » Ainsi commence l’introduction de Donatienne de Séjournet. Elle ajoute un peu plus loin que César Garçon a pris le temps de parcourir les 34 jardins au fil des saisons, de les observer et de les comprendre avec patience dans l’attente du crépuscule. Chacun d’eux étant à sa façon l’expression de la culture et de la créativité d’une époque, de propriétaires, de paysagistes et de jardiniers qui n’ont pu résister au plaisir de créer, de concevoir, de jardiner ou encore de laisser l’empreinte de leur passage et de leur temps. Voici quelques images tirées du livre. Deux d’entre elles présentent un pli en leur milieu car elles sont publiées en double page et cela se voit sur la photo.
FREŸR dans sa vision sauvage. Entre deux courbes de la Meuse, au pied d’un amphithéâtre de falaises et de forêts, Freÿr fait partie de ces lieux immuables qui ont traversé, comme par miracle, les siècles au sein d’une même famille. Sept siècles au cours desquels tant d’énergie et de talent se sont succédés pour aménager, embellir et prodiguer des soins permanents. Le long du fleuve, entre Waulsort et Dinant, le château de Freÿr de style Renaissance et ses jardins formels en terrasse offrent avec les falaises sur l’autre rive un spectacle éblouissant et sans comparaison.
FREŸR dans sa vision classique. Dès le XVIème siècle, le château féodal est reconstruit dans le style Renaissance mosane en un quadrilatère renforcé de tourelles et remanié ensuite pour devenir cette résidence d’été d’esprit XVIIIème que l’on connait maintenant. Vers 1760, réaménagement des jardins de part et d’autre de la demeure familiale à partir d’une longue terrasse qui longe le fleuve. L’aile sud du château est abattue ensuite pour ouvrir sur cour d’honneur et jardin axés sur un bassin octogonal. Les modifications ultérieures on fait naitre des quinconces de tilleuls et deux longs plans d’eau autour desquels à la belle saison sont disposés trente-trois orangers entretenus avec passion et savoir-faire depuis très de trois cents ans.
CHÂTEAU D’OOSTKERKE. Parmi les jardins, il y a ceux qui se conçoivent comme les antichambres du paysage en s’y intégrant en parfaite harmonie. A quelques kilomètres de Bruges, la propriété d’Oostkerke semble se fondre dans l’étendue des polders qui l’entourent depuis des générations et pendant des siècles. Il y a une centaine d’années, l’ensemble des bâtiments est transformé. Secondée par son mari passionné d’art flamand, Allison Roebling tient aussi à y aménager des jardins. Séduite par la veine anglaise de l’Art and Crafts, elle fait appel à la paysagiste néerlandaise Mien Ruys dont le père est très connu pour ses qualités de pépiniériste. L’occupation allemande et les inondations de 1944 ne laissent pas trace de ce premier jardin. Après la guerre, on repart pour un nouveau projet d’aménagement. Les deux femmes redonnent vie aux abords meurtris par le conflit mondial afin de retrouver ce paysage séculaire d’arrière-pays où les peupliers finissent par s’incliner sous la force des vents maritimes. D’autres paysagistes ont continué l’ouvrage sous l’oeil attentif et avisé des châtelains actuels. Et l’on découvre dans les parcelles protégées du vent des jardins clos où fleurissent à différents moments de l’année des mixed-borders à l’anglaise, des rosiers lianes, grimpants et buissons qui s’appuient sur murs et toitures avec beaucoup d’élégance.
FONDATION KREFTENBROECK. Au creux d’un petit vallon près de Bruxelles, dans un quartier résidentiel de Rhode-Saint Genèse, l’Arboretum de Kreftenbroeck est le résultat de toute une vie d’amateurs de jardins comme aimaient le souligner Etienne et Rose-Marie Van Campenhout. Son histoire a commencé au début des années 1980 par le coup de foudre de ceux-ci pour une jolie ferme en ruine qui dépendait autrefois de l’abbaye de la Cambre et qu’ils ont restaurée. Grace à l’acquisition de parcelles nouvelles, ils ont pu coloniser le fond de la vallée marécageuse et la colline adjacente. Et introduire beaucoup d’arbres et d’arbustes suivant en cela les avis de Robert et Jelena de Belder, connus pour leur science et l’énergie dépensée à l’Arboretum de Kalmthout, berceau européen des Hamamelis, également présenté dans le livre. Parmi les intervenants récents qui ont participé au développement de ce nouvel arboretum, il faut citer Jacques Wirtz qui a imaginé d’encercler de trois haies (photo ci-dessus) un cèdre de l’Atlas. Taillées à des hauteurs légèrement différentes, celles-ci forment les gradins d’un amphithéâtre qu’il suffit de traverser pour découvrir la vallon au-delà.
HERKENRODE & WESPELAAR. Rares sont aujourd’hui les botanistes, les dendrologues et les amateurs d’arbres qui ne connaissent pas ou n’auraient pas entendu parler du Domaine de Herkenrode et de l’Arboretum de Wespelaar. Plus de 10.000 arbres et arbustes plantés par Philippe de Spoelberch, au cours des cinquante dernières années, en font une des plus riches et intéressantes collections botaniques privées de plantes ligneuses d’Europe. Visites couleurs d’automne jusqu’au 15 novembre. Voir : https://arboretumwespelaar.be/FR/ Le site internet de Wespelaar constitue un document exceptionnel qui, une fois connu, donne une envie irrépressible de faire en ces lieux une visite mémorable.
JARDINS SECRETS EN TERRASSE. Il est regrettable que ce jardin ait souhaité rester dans l’anonymat tant le mélange de plantes et d’atmosphères est riche, à la fois simple et du meilleur goût. Ses fondateurs ont toujours évolué dans le monde de l’art des jardins. Mais ils sont si nombreux à Waterloo ! Alors, on se suffira du livre qui, sur dix pages, déroule un texte savoureux, riche de détails botaniques et historiques. Tant de précisions laissent penser que Donatienne de Séjournet connait les lieux dans ses moindres détails. Elle en témoigne en citant les différents intervenants qui ont participé à la création sur une vingtaine d’années. Un détail toutefois tient en haleine. Il évoque cette haute muraille qui masquait l’environnent paisible se trouvant au delà. Plutôt que la démolir, il fallait trouver une solution audacieuse qui fut révélée par la découverte chez un antiquaire d’une immense ogive de pierre néo-gothique. Aussitôt acquise, aussitôt montée et rythmée par des piliers qui terminent un appareillage soigné. Photo ci-dessus au meilleur moment de la floraison conjointe de glycines japonaises ‘Macrobotrys’ à grappes géantes et orangers du Mexique (Choisya ternata).
Au fil des pages, on entre dans l’intimité de grands domaines qui ont fait de la Belgique une nation de jardiniers avec Beloeil, Annevoie, Laeken, Hex, Attre et Leeuwergem. Et l’on croise les noms de personnages prestigieux de ce monde des jardins : René Pechère, Pierre Culot, Jacques Wirtz, Sybille d’Ansembourg (soeur de Philippe de Spoelberch), Michel Delvosalle, Louis Lechat, Guy Vandersande, Francis Peeters, Benoît Fondu, Dries van Noten et Erik Dhont, ce paysagiste qui use du végétal comme un sculpteur de la pierre.
https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/la-belgique-des-jardins-764-cl.htm 39,90 euros. En librairie le 22 octobre 2020