UNE LECTURE SUR LES ENCRES DE PLANTES

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« Encres de plantes »   Faire de l’encre avec des plantes consiste à conjuguer l’amour du végétal avec celui du dessin, de l’écriture et à trouver une façon de se réapproprier des savoir-faire anciens oubliés. Les Editions Ulmer ont permis à Elisabeth Dumont d’enquêter sur le sujet.

Elisabeth Dumont, biochimiste de formation, s’est immergée pendant plusieurs années dans l’univers des plantes qui, soumises à différentes transformations, donnent naissance à des jus qui laissent une trace durable sur le papier. Sur toutes les sortes de papier mais aussi les parchemins fabriqués à partir des peaux de veau et d’agneau.

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Recette de la décoction de galles de chêne page 47

TANIN, FLAVONOIDE ET ANTHOCYANE
Son livre, c’est 150 pages d’écriture serrée, avec beaucoup d’illustrations, qu’on lit un peu comme un roman tant on a envie de découvrir les usages des écrits, dessins et gravures pratiqués au cours des milliers d’années qui nous ont précédées. Sans les encres, comment nos ancêtres auraient-ils pu témoigner pleinement des arts de leurs civilisations successives. « Encres de plantes » se lit aussi comme un traité scientifique. Car il nous présente les différents pigments nécessaires à la confection des jus. Il y a les pigments d’origine minérale (cinabre, lapis-lazuli, ocre), ceux d’origine animale (murex, cochenille, seiche) et ceux d’origine végétale (tanin des galles de chêne par exemple pour les noirs et les bruns, flavonoïde du genêt pour les jaunes, anthocyane du sureau pour les bleus et les rouges). Elisabeth y ajoute les couleurs mises au point par l’industrie réunies sous le vocable de « couleurs synthétiques ». Quand elle décrit l’aniline, par exemple, fabriquée à partir d’un noyau benzénique, elle prolonge l’explication en évoquant le benzène à six carbones auxquels est ajoutée une fonction amine NH2. On comprend que nous sommes en présence d’un livre fouillé et sérieux.

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Recette du vert d’iris page 99

UNE PANOPLIE DE PETIT CHIMISTE
Toutefois, le lecteur ne doit pas se laisser impressionner. Les formules scientifiques ne sont pas si nombreuses et chacun a toujours la possibilité de sauter quelques pages pour se concentrer sur les autres. L’attrayant chapitre sur l’encre de Chine en est un exemple. En Chine, sa contrée d’origine, c’est une encre noire faite à base de noir de carbone obtenu par calcination de matériaux végétaux ou animaux. Elle est très ancienne puisqu’on trouve sa trace sur des tablettes de bois datant de 2000 ans avant notre ère. Du noir de carbone, il y en a plusieurs sortes dont le noir d’ivoire issu de la calcination de l’ivoire. Et encore le noir de fumée ou de suie déposée lors de la combustion d’huiles diverses ou de bois résineux. La fumée qui se dégage dépose un voile noir à l’intérieur d’un entonnoir placé au dessus de la flamme. Cela peut aussi être de la suie réduite en poudre et mélangée avec un liant fait à partir de gomme-laque, colle de peau de lapin, colle de poisson. Les chapitres qui concernent la fabrication des encres de couleur faites avec du chou rouge, du phytolaque ou du sureau sont l’occasion pour Elisabeth de donner des recettes éprouvées par sa longue expérience. Chaque page du livre devient un prétexte pour se sentir transformé en parfait petit chimiste. Et en botaniste aussi car bon nombre des ingrédients poussent dans dans nos campagnes et dans nos jardins. A nous d’en faire connaissance !

encre carotte noire

Jus de carotte noire + alun photo page 157

Elisabeth Dumont aime partager son expérience en animant notamment divers ateliers sur l’utilisation des plantes. Il y a des activités pour enfants, d’autres pour adultes.
http://elisabeth-dumont.fr
https://www.editions-ulmer.fr
Encres de plantes  – 20 euros – mai 2018

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