HOMMAGE A UN POÈTE DES ROSES

IMG_7789 900x543

André Eve est né en 1931 en région parisienne. Il arrive à Pithiviers en 1958 pour reprendre les Ets Robichon, spécialisés dans la création de roses et de jardins. Il peut alors donner libre cours à sa passion des roses, en particulier celles du temps passé. A cette époque, ce terme évoque surtout roses du 19ème siècle. Il les collectionne donc et parallèlement s’adonne à quelques travaux d’hybridation pour obtenir des nouveautés, « ses «  nouveautés. La suite de sa vie se lit comme un roman !

IMG_1940

Rose Château de La Bussière , une création EVE 2014

En 1968, il estime avoir trouvé une perle et propose à Sylvie Vartan, chanteuse admirée du moment, d’en être la marraine. Cinquante ans plus tard, la rose Sylvie Vartan est toujours au catalogue ! André a d’autres talents. Il comprend vite qu’il faut mener de front la production des roses nouvelles et la conservation des anciennes. On peut parler de protection d’un patrimoine qui s’évanouit. Car Pajotin-Chedane, dernière firme française spécialisée en roses anciennes, est à bout de souffle. Pourquoi ne pas lui succéder !

En 1978, il achète une maison, 28 faubourg d’Orléans à Pithiviers, et commence son premier jardin de roses, celui qui va le rendre célèbre. Il invite amis et premiers clients à lui rendre visite. Il voyage aussi beaucoup et récupère un peu partout greffons et boutures de variétés qu’il ne connait pas encore. Son sens de la fête, des réceptions, des relations publiques, lui permet une ascension rapide. En 1983, un article -dont je suis l’auteur- est publié par la revue bien connue d’alors « Mon Jardin & Ma Maison ». Depuis une dizaine d’années, j’ai visité pour mes reportages beaucoup de jardins en Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas où d’autres cultivent et collectionnent cette gamme de rosiers pour saisir l’importance de sa démarche. André Eve a le flair juste au bon moment. D’où ce reportage sur son jardin et sur cet homme, aventurier et poète à la fois.

Un détail ! Nous ignorons en France les rosiers lianes (ramblers en anglais) qui peuvent recouvrir d’un nuage de fleurs blanches le plus souvent, rose parfois, un arbre dans sa totalité, au point de le faire succomber sous leur poids. Cruel, mais quel spectacle ! André est le premier à introduire en grande quantité les lianes en France. L’une des plus célèbres est nommée Kiftsgate, nom du jardin anglais où elle est apparue. C’est une mutation du rosier chinois Rosa filipes. Plus secret et plus discret, en version à fleurs mauve, il faut signaler la variété Rose-Marie Viaud. Photo ci-dessous :

IMG_1056

On peut admirer cette dernière dans le jardin du Château du Rivau, en Touraine. C’est précisément le Château du Rivau qui a orienté André Eve vers les lianes. Et lorsqu’il a remarqué dans ses semis une liane qui lui plaisait particulièrement, il a proposé à Patricia Laigneau, conceptrice du jardin, d’offrir cette grande liane au domaine. C’était en 2003. Voici la description que le catalogue de la firme donne encore aujourd’hui à la rose Château du Rivau : « Cette liane escalade les arbres ou tout autre support grâce à son port souple. Son abondante floraison blanche parfumée, illuminée par des étamines d’or, en larges bouquets, recouvre le feuillage. La floraison est suivie d’une fructification très décorative. » Voici une photo de ce rosier tel qu’il apparaissait au Rivau en juin dernier :

IMG_1094

La suite de l’histoire d’André Eve, on la trouve sur le site de la firme : www.roses-anciennes-eve.com
En voici les faits les plus marquants. André crée sa société « Les Roses Anciennes André Eve » en 1985 et édite un premier catalogue qui s’apparente plus à une liste de noms qu’autre chose. Quelques années plus tard et devant le développement de l’entreprise, il installe ses bureaux à Morailles dans la périphérie de Pithiviers et le jardin d’exposition qu’il y construit est visité par les amoureux déclarés des roses et ceux qui vont le devenir. Il prend sa retraite en 2000 parce qu’il a trouvé une équipe pour lui succéder. La raison sociale reste la même. Et puis, très récemment, nouveau déménagement ! Toujours en Loiret, à Chilleurs-aux-Bois, tout près du Château de Chamerolles, la campagne est belle et la place ne manque pas. André Eve a reçu au cours de sa vie tous les honneurs et même une visite très discrète du Roi et de la Reine de Belgique, grands passionnés de jardins. La presse du monde entier a vanté ses talents, ses compétences, son sens de la courtoisie. Ses nombreux amis ont pleuré son décès en 2015.

IMG_0984

Aujourd’hui, sous l’impulsion de Pascal Pinel, le nouveau directeur, de Jérôme Rateau, l’hybrideur maison, et d’une équipe bien soudée, un nouveau jardin exposition a démarré. Dès cet été, il mérite une visite. Elle est gratuite. A cette occasion, on en profite pour faire le tour de la jardinerie où sont réunis des milliers de rosiers. Ils sont disponibles fleuris et cultivés en pot pendant l’été, puis à racines nues quand arrive l’hiver, soit le grand moment des plantations. Nouveau catalogue très bien illustré et superbement documenté à partir de septembre 2018.

https://www.roses-anciennes-eve.com
https://www.chateaudurivau.com/fr/

IMG_1877

JARDINS DU GRAND TRIANON : VISITE GUIDÉE

IMG_1250

On connait les splendeurs du Domaine Royal de Versailles ! Depuis plus de trois siècles, ce château voulu par Louis XIV, entouré d’un parc qui le magnifie, est associé à quelques trésors moins connus. C’est le cas du Grand Trianon et de ses jardins qu’on ne peut découvrir qu’en visitant ce splendide bâtiment, œuvre de Jules Hardouin-Mansart en 1687.

Jusqu’au 16 septembre, le Grand Trianon, qui se situe au fond du parc à l’écart du Château de Versailles, propose une exposition des peintures de Jean Cotelle :
http://georgeslevequejardins.com/exposition-jean-cotelle-des-jardins-et-des-dieux/

On la visite tous les jours, sauf les lundis, à partir de 14H00 :
http://www.chateauversailles.fr/actualites/expositions/jean-cotelle-1646-1708-jardins-dieux#lexposition

Après la visite, il faut flâner dans les jardins qui prolongent le bâtiment et qu’on ne peut voir autrement. Car ils sont masqués par la déclivité du sol et les murs d’enceinte.

Pour accompagner l’exposition et inviter à la découverte des jardins, les jardiniers du Trianon se sont inspirés du tableau et de la gouache de Cotelle « Les parterres du Trianon de marbre avec Zéphyr et Flore endormie » pour créer une nouvelle composition estivale. Les essences représentées étant difficiles à identifier avec précision, il ne s’agissait pas de réaliser une restitution exacte des massifs du temps de Cotelle. Mais plutôt d’offrir au public une composition riche et subtile dans l’esprit des parterres de la fin du XVIIème siècle. Visite guidée par Coralie Beaune, adjointe du chef jardinier, le bien connu Alain Baraton.

IMG_1790

DU BLEU, DU BLANC & DU ROSE
Les déclinaisons de bleus sont obtenus avec quatre sauges (Salvia). Elles servent de base aux parterres grâce à leur feuillage bien fourni. Et les lobélias avec leurs colonnes dressées structurent la composition. Pour le blanc, des valeurs sûres à la plastique raffinée : Alstroemeria alba, Agrostemma githago ‘Ocean Pearl’ et Ageratum ‘Mexico blanc’. Quant aux cosmos blancs et roses, ils appuient leur silhouette gracile sur des Limonium sinuatum, aux airs de papier crépon.

IMG_1744

LES BUIS ET LA PYRALE
Certes le gazon est un peu jaune le 18 juillet, journée des prises de vue. Pas d’arrosage intégré. Alors, après un mois sans pluie, cela n’a rien d’étonnant et s’inscrit dans le développement durable. Les jardins de Trianon ne sont pas un terrain de golf. Outre la sécheresse, Coralie Beaune a un autre ennemi : la pyrale du buis. « Pour lutter contre la pyrale nous regardons nos buis tous les jours, soit 1.2 km de bordure, de près comme de loin. De loin et en plissant les yeux, on peut apercevoir des zones plus foncées qui parfois correspondent à des secteurs attaqués et rongés. Nous avons des pièges à phéromones et notons semaine après semaine nos captures. Nous notons aussi si nous  trouvons des crottes fraîches de pyrales ou des filaments. Lorsqu’une génération arrive, il faut agir vite à l’aide d’un traitement bio au Bacillus thuringensis. »

IMG_1753

LES SOINS AU QUOTIDIEN
Coralie parle des soins d’entretien au quotidien : « Le désherbage bien sûr ! et mieux il est suivi, moins il prend le pas sur le reste. Lors des périodes sèches, nos efforts et notre attention sont totalement rivés sur le bien-être racinaire des plantes et là l’humidité est primordiale. Si l’arrosage n’est pas coordonné de manière efficace, nous pouvons perdre une partie des plantations, car nous travaillons sur du vivant. Vient ensuite l’effleurage à l’épinette : nous le faisons chaque jour afin d’offrir un maximum de couleurs aux visiteurs ! Le fait d’enlever les fleurs fanées, qui autrement feraient des graines, libère de l’énergie pour les plantes qui vont produire alors de nouvelles fleurs et cela jusqu’en fin de saison. »

IMG_1761

COSMOS BLUSH PINK UN COUP DE COEUR
« Oui, nous avons eu un coup de coeur pour le cosmos ‘Blush Pink’. On le sème au chaud en février si l’on veut l’avoir prêt à fleurir en mai. Cela peut se faire plus tard quand on est moins pressé d’avoir des fleurs. Il est amusant de voir que lorsque les fleurs fanent les graines murissent vite, tombent sur le sol et germent aussitôt. C’est ainsi qu’on profite d’une autre génération de fleurs de cosmos au pied des premiers. Tout cela s’arrête avec les premières gelées et il faut recommencer l’année suivante. »

IMG_1771

UNE VIE DE JARDINIER
« Chaque été, de nombreux vacataires viennent gonfler les rangs de l’équipe des permanents. Je les intéresse au jardin, à son histoire, aux problématiques des maladies du buis et du zéro phyto en premier lieu puisque à Versailles il y a longtemps qu’on n’utilise plus de pesticides d’origine chimique. Je les informe de l’importance des soins à donner aux plantes, l’arrosage en particulier et aussi l’effleurage, et le retrait des plantes adventices qu’on appelait mauvaises herbes par le passé. Il y a aussi l’accueil du public ! car les employés doivent pouvoir répondre à ses questions et donner des explications sur le fleurissement. Chaque jour chacun a une mission à remplir et notre planning évolue en fonction des températures et des précipitations. »

IMG_1807

UNE SUPERBE ÉQUIPE
« J’ai une superbe équipe à Versailles à laquelle je suis très attachée car elle fait sien le jardin. Chacun va trouver ce qui lui correspond, des petits groupes vont se former et une dynamique va exister. C’est cela qui permet d’offrir un spectacle si beau et attachant ! »

IMG_1822