POUR COMPRENDRE LES OISEAUX DANS LEUR PHÉNOMÈNE MIGRATOIRE

De longue date, les hommes ont observé la disparition automnale de certains oiseaux et leur réapparition au printemps, ce qui n’a pas manqué de les intriguer et de donner lieu à des théories qui peuvent aujourd’hui faire sourire, mais qui ont pourtant perduré plus de deux millénaires. Dans son « Histoire des animaux », le philosophe naturaliste grec Aristote admet le principe de la migration de certains oiseaux : « Il y a des animaux qui trouvent dans les lieux mêmes où ils habitent de quoi se défendre contre les inégalités des températures, d’autres changent absolument de domicile. « 

IMG_6643

« Les grues par exemple passent des plaines de la Scythie (actuels Kazakhstan et Ukraine) aux mares de la Haute-Egypte, vers les sources du Nil. Les pélicans changent également d’habitat. Ils vont du Strymon (fleuve qui coule en Grèce et Bulgarie) au Danube et c’est là qu’ils font leurs petits. » Mais il écrit aussi l’incroyable : « Il ne faut pas croire que tous ceux qui disparaissent s’en aille dans des climats plus chauds. » Selon lui en effet, pour passer la mauvaise saison, milans, hirondelles, cigognes, merles, tourterelles et alouettes tombent dans une sorte de léthargie au fond des étangs après avoir perdu leurs plumes et n’en sortent qu’au printemps suivant, alors revêtus d’un beau plumage.

IMG_6641

Marc Duquet observe et étudie les oiseaux depuis plus de 45 ans. Co-fondateur et rédacteur-en-chef de la revue d’ornithologie de terrain Ornithos, cet expert des passereaux et des rapaces de l’hémisphère Nord est l’auteur de nombreux ouvrages comme « Identifier les oiseaux par la couleur » ou « Le petit guide ornitho » des guides spécialement conçus pour les débutants et de beaux-livres thématiques comme « Sexe et séduction chez les oiseaux » ou « Il faut sauver nos oiseaux ! » tous parus chez Delachaux et Niestlé. Chez le même éditeur il produit en 2021 « Migrations, Pourquoi et comment migrent les oiseaux » que voici.

IMG_6644

Aristote avance également une autre théorie fantaisiste, qui n’est rien d’autre que la transmutation saisonnière des rouge-gorges en rouge-queues. Il écrit en effet « Les rouges-gorges et ceux que l’on appelle rouge-queues sont une métamorphose de l’un et de l’autre : le premier étant un oiseau d’hiver, l’autre un oiseau d’été. »

IMG_6645

Le comportement migratoire des oiseaux peut apparaître comme une réalité immuable. Pourtant les oiseaux primitifs, descendants directs des dinosaures, n’étaient pas migrateurs. Au cours de l’évolution, certains oiseaux modernes le sont devenus, mais parmi eux quelques-uns ont entrepris de cesser de migrer. Exemple avec l’étourneau sansonnet : originaire d’Eurasie qui a colonisé l’Amérique du Nord. Mais seuls les oiseaux nichant dans les régions nordiques du continent ont conservés leur comportement migrateur. Les autres sont devenus sédentaires.

IMG_6646

Mouette de Sabine. Après s’être reproduite en juin-juillet dans la toundra sibérienne, cette belle mouette longe les côtes européennes en fin d’été pour aller hiverner en mer à l’ouest de l’Afrique australe.

IMG_6647

Photo ci-dessus. Eperviers à pieds courts. Au printemps, des vols de quelques centaines voire de milliers d’éperviers à pieds courts migrent à Eilat, le record journalier étant de 25522 oiseaux le 25 avril 1994 ! Avec près de 1,2 millions de rapaces migrateurs chaque printemps (février-mai), Eilat, station balnéaire israélienne située à la pointe nord du golfe d’Aqaba, est l’un des principaux sites migratoires mondiaux, après Veracruz et Panama.

Photo ci-dessous. Autre record : un courlis corlieu a parcouru en cinq jours et d’une seule traite 5500 kms au dessus de l’Atlantique pour revenir nicher en Islande depuis ces quartiers d’hiver ouest-africains.

Photo tout en bas. Hirondelles rustiques. Compte tenu de sa répartition cosmopolite, l’hirondelle rustique peut être vue le long de toutes les grandes voies migratoires mondiales.

IMG_6648

https://www.delachauxetniestle.com/livre/migrations
29,90 euros
novembre 2021

IMG_6649

UNE INVITATION À CONNAITRE & AIMER LES ARBRES

Quel joli et curieux parcours celui d’Edith Montelle, une écrivaine experte dans l’art de séduire avec ses contes et ses légendes depuis plus de cinquante ans. Ancienne vice-présidente de la Société de mythologie française, elle est l’autrice de nombreux ouvrages sur la tradition orale. Et si l’on ajoute ses compétences en ethnobotanique , il n’y a rien d’étonnant à la voir signer cet automne « Auprès de nos arbres », chez Delachaux et Niestlé, un énorme livre de près de trois cents pages chargées d’histoires et de poésie.

IMG_6625

Majestueux, capable de s’adapter à tous les milieux, l’arbre est depuis toujours au coeur des récits et des mythes, des contes et des légendes. Marqueur du temps qui passe, tantôt guérisseur, tantôt source d’effroi, l’arbre fascine ou inquiète mais ne laisse jamais indifférent. Edith Montelle retrace l’histoire symbolique de l’arbre, compagnon des hommes et des femmes, depuis l’apparition de l’écriture jusqu’aux stratégies de protection mises en oeuvre ces dernières années. Mêlant histoire, botanique, récits et beaux-arts, elle rend hommage aux relations que nous entretenons avec « nos » arbres ». Abondamment illustré de photos parfois saisissantes et de documents anciens, ce livre est une mine d’informations grâce auxquelles on voyage dans le temps. A titre d’exemples, voici quelques pages remarquées.

IMG_6626

« L’arbre, merveille botanique. Parmi les espèces végétales, les arbres apparaissent comme les plus remarquables, les plus imposantes des plantes ». C’est ainsi qu’Edith Montelle démarre son premier chapitre. Puis elle donne quelques dates afin que le lecteur ait une idée de leur présence sur la terre. Elle évoque 400 millions d’années pour les conifères, puis 100 millions d’années pour les feuillus. Les uns et les autres sont attachés à la terre par leurs racines et donc incapables de bouger. Ce sont leurs graines qui se dispersent pour gagner de nouveaux territoires. La conquête de l’espace s’opère par différents moyens. Elle mentionne le cas de l’arganier, arbre marocain de zone semi-désertique, qui a besoin de la chèvre pour cela. Celle-ci grimpe dans les branches de l’arbre pour se nourrir des feuilles et des fruits. Elle digère la dupe et rejette le noyau très dur dont la coque a été ramollie par les sucs gastriques. Arrivées sur le sol, les graines ont quelques chances de germer.

IMG_6627

Tantôt botaniste, tantôt conteuse, Edith Montelle prend la seconde option pour évoquer l’origine du cocotier : Cocos nucifera. « L’histoire se passe à Tahiti où un chef de clan avait une très belle fille, Hina, qui monta avec des amies se baigner dans le lac Vaihiria. Or, là vivait le roi des anguilles aux yeux bleus. Amoureux de la belle, il demanda sa main. Sa demande fut acceptée par ses parents. Le jour du mariage, quand la mariée découvrit que son époux était un monstre, elle s’enfuit jusqu’au ….. »? Je laisse aux curieux le plaisir de découvrir dans le livre, page 78, la fin de l’histoire.

IMG_6628

Les textes de l’Antiquité ont gardé le souvenir de bois sacrés où les non-initiés avaient le droit d’entrer. Ces forêts étaient réservées à la prière et à la méditation. Des divinités terrifiantes, comme la chasseresse romaine Diane y faisait régner l’ordre en tenant les perturbateurs à distance. De nos jours, devant les dégâts causés à la nature par l’industrialisation sauvage, les pays ont créés des zones protégées où les gens des villes peuvent venir se ressourcer. La meilleure façon de défendre ces parcs naturels serait de les habiller de légendes, récits qui différencient les lieux et les identifient. Photo ci-dessus de Benjamin Stassen, principal contributeur d’images du livre.

IMG_6629

L’arbre parfait régulateur. Des arbres sont plantés pour fixer les dunes envahissantes. Pendant le second Empire, un gigantesque chantier a été lancé dans les Landes pour planter les pins maritimes (Pinus pinaster), qui ont été ensuite une source de richesse pour la région grâce à la résine qui s’en écoule et qu’on récolte. Au Maroc, ce rôle de fixateur des sols a été joué par les forêts d’eucalyptus. Pour lutter contre l’avancée du désert, des millions d’arbres ont été plantés dans le Sahel.

IMG_6631

Ci-dessus. Les mangroves, appelées bayous en Louisiane, sont des ensembles forestiers propres aux littoraux tropicaux. Elles sont formées de plusieurs espèces arbustives adaptées à la salinité des sols, comme les palétuviers. Ceux-ci ont développé des racines échasses qui « avancent » sur le sable. Ce système racinaire protège les zones côtières de l’érosion en atténuant la puissance des vagues. La plus grande mangrove, à cheval sur l’Inde et le Bangladesh, est la forêt des Sundarbans, où les fleuves Gange et Brahmapoutre se jettent dans le Golfe du Bengale.

Ci-dessous. L’orme a presque disparu d’Europe, tué par la graphiose, un champignon dont le mycélium pénètre les tissus et envahit les vaisseaux des branches et du tronc, empêchant la circulation de la sève. Dans l’Hérault, entre 1987 et 1989, Michel Chevray a sculpté l’orme mort du Caylar, non pour en garder le souvenir mais pour « lui offrir un beau cercueil », selon ses propres mots.

Dernière photo en bas. Mundiya Kepanga, chef papou de Papouasie-Nouvelle-Guinée, se bat contre les exploitations forestières étrangères qui abattent les arbres les plus gros de son pays.

IMG_6632

https://www.delachauxetniestle.com/livre/aupres-de-nos-arbres
Octobre 2021 39,90 euros

benjamin.stassen@skynet.be

IMG_6633