UNE INVITATION À CONNAITRE & AIMER LES ARBRES

Quel joli et curieux parcours celui d’Edith Montelle, une écrivaine experte dans l’art de séduire avec ses contes et ses légendes depuis plus de cinquante ans. Ancienne vice-présidente de la Société de mythologie française, elle est l’autrice de nombreux ouvrages sur la tradition orale. Et si l’on ajoute ses compétences en ethnobotanique , il n’y a rien d’étonnant à la voir signer cet automne « Auprès de nos arbres », chez Delachaux et Niestlé, un énorme livre de près de trois cents pages chargées d’histoires et de poésie.

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Majestueux, capable de s’adapter à tous les milieux, l’arbre est depuis toujours au coeur des récits et des mythes, des contes et des légendes. Marqueur du temps qui passe, tantôt guérisseur, tantôt source d’effroi, l’arbre fascine ou inquiète mais ne laisse jamais indifférent. Edith Montelle retrace l’histoire symbolique de l’arbre, compagnon des hommes et des femmes, depuis l’apparition de l’écriture jusqu’aux stratégies de protection mises en oeuvre ces dernières années. Mêlant histoire, botanique, récits et beaux-arts, elle rend hommage aux relations que nous entretenons avec « nos » arbres ». Abondamment illustré de photos parfois saisissantes et de documents anciens, ce livre est une mine d’informations grâce auxquelles on voyage dans le temps. A titre d’exemples, voici quelques pages remarquées.

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« L’arbre, merveille botanique. Parmi les espèces végétales, les arbres apparaissent comme les plus remarquables, les plus imposantes des plantes ». C’est ainsi qu’Edith Montelle démarre son premier chapitre. Puis elle donne quelques dates afin que le lecteur ait une idée de leur présence sur la terre. Elle évoque 400 millions d’années pour les conifères, puis 100 millions d’années pour les feuillus. Les uns et les autres sont attachés à la terre par leurs racines et donc incapables de bouger. Ce sont leurs graines qui se dispersent pour gagner de nouveaux territoires. La conquête de l’espace s’opère par différents moyens. Elle mentionne le cas de l’arganier, arbre marocain de zone semi-désertique, qui a besoin de la chèvre pour cela. Celle-ci grimpe dans les branches de l’arbre pour se nourrir des feuilles et des fruits. Elle digère la dupe et rejette le noyau très dur dont la coque a été ramollie par les sucs gastriques. Arrivées sur le sol, les graines ont quelques chances de germer.

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Tantôt botaniste, tantôt conteuse, Edith Montelle prend la seconde option pour évoquer l’origine du cocotier : Cocos nucifera. « L’histoire se passe à Tahiti où un chef de clan avait une très belle fille, Hina, qui monta avec des amies se baigner dans le lac Vaihiria. Or, là vivait le roi des anguilles aux yeux bleus. Amoureux de la belle, il demanda sa main. Sa demande fut acceptée par ses parents. Le jour du mariage, quand la mariée découvrit que son époux était un monstre, elle s’enfuit jusqu’au ….. »? Je laisse aux curieux le plaisir de découvrir dans le livre, page 78, la fin de l’histoire.

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Les textes de l’Antiquité ont gardé le souvenir de bois sacrés où les non-initiés avaient le droit d’entrer. Ces forêts étaient réservées à la prière et à la méditation. Des divinités terrifiantes, comme la chasseresse romaine Diane y faisait régner l’ordre en tenant les perturbateurs à distance. De nos jours, devant les dégâts causés à la nature par l’industrialisation sauvage, les pays ont créés des zones protégées où les gens des villes peuvent venir se ressourcer. La meilleure façon de défendre ces parcs naturels serait de les habiller de légendes, récits qui différencient les lieux et les identifient. Photo ci-dessus de Benjamin Stassen, principal contributeur d’images du livre.

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L’arbre parfait régulateur. Des arbres sont plantés pour fixer les dunes envahissantes. Pendant le second Empire, un gigantesque chantier a été lancé dans les Landes pour planter les pins maritimes (Pinus pinaster), qui ont été ensuite une source de richesse pour la région grâce à la résine qui s’en écoule et qu’on récolte. Au Maroc, ce rôle de fixateur des sols a été joué par les forêts d’eucalyptus. Pour lutter contre l’avancée du désert, des millions d’arbres ont été plantés dans le Sahel.

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Ci-dessus. Les mangroves, appelées bayous en Louisiane, sont des ensembles forestiers propres aux littoraux tropicaux. Elles sont formées de plusieurs espèces arbustives adaptées à la salinité des sols, comme les palétuviers. Ceux-ci ont développé des racines échasses qui « avancent » sur le sable. Ce système racinaire protège les zones côtières de l’érosion en atténuant la puissance des vagues. La plus grande mangrove, à cheval sur l’Inde et le Bangladesh, est la forêt des Sundarbans, où les fleuves Gange et Brahmapoutre se jettent dans le Golfe du Bengale.

Ci-dessous. L’orme a presque disparu d’Europe, tué par la graphiose, un champignon dont le mycélium pénètre les tissus et envahit les vaisseaux des branches et du tronc, empêchant la circulation de la sève. Dans l’Hérault, entre 1987 et 1989, Michel Chevray a sculpté l’orme mort du Caylar, non pour en garder le souvenir mais pour « lui offrir un beau cercueil », selon ses propres mots.

Dernière photo en bas. Mundiya Kepanga, chef papou de Papouasie-Nouvelle-Guinée, se bat contre les exploitations forestières étrangères qui abattent les arbres les plus gros de son pays.

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https://www.delachauxetniestle.com/livre/aupres-de-nos-arbres
Octobre 2021 39,90 euros

benjamin.stassen@skynet.be

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