A LA RECHERCHE DES SEMENCES DISPARUES

Bravo à Patricia Beucher, journaliste et technicienne du jardin. Elle vient de signer chez Ulmer un livre qui va réveiller les consciences. Et malgré la bannière humoristique de son titre « Prenons en de la graine » nous sommes tout de même dans le sérieux. C’est un manuel d’autoproduction de semences potagères, florales et céréalières qui fait le point sur la production par soi-même des variétés anciennes qui ont pratiquement disparu du commerce.

prenons en de la graine_beucher

Voici comment Patricia Beucher présente son projet :
« Depuis la nuit des temps, les plantes voyagent de poche en poche, de main en main. Un coup d’oeil en passant devant un beau champ, le hasard d’un casse-croûte ou du partage d’un plat inconnu et c’est parti ! Car avec les plantes, qu’on soit amateur ou professionnel, cultivateur rime avec partageur, en une tradition dont la vivacité réjouit.

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« A l’heure où la grande marchandisation générale de tout ce qui est vivant fait rage, l’amicale mondiale des cultivateurs fonctionne à plein régime. Arrêtez-vous cinq minutes devant un beau jardin, félicitez une cuisinière pour ses haricots ou ses tomates et vous entendrez cette proposition vieille comme l’agriculture : Prenez-en de la graine ! Vous n’avez pas même eu le temps de répondre que son auteur a déjà disparu en quête d’une enveloppe et vous voilà loti d’une nouveauté et de toute son histoire. D’ici ou d’ailleurs, car les gens voyagent avec leurs plantes au point qu’en passant devant un jardin d’ici on repère au premier coup d’oeil le jardinier turc; plein de haricots ramés solides et buttés hauts en pyramides parfaites, le jardinier portugais; avec des choux et encore des choux plus hauts que le jardinier, le jardinier algérien; avec 500 m2 de courgettes de l’introuvable ailleurs Verte petite d’Alger. Cultures faites à partir de semences maison.

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« Et voilà qu’avec les années 2000, le métier de semences renait après un demi-siècle d’oubli, que dis-je, d’opprobre ! Les années 60 furent celles de l’invention des hybrides et de l’industrialisation à tout va de la graineterie. Du champ aux énormes coopératives. Quand, en 1983, Sylvia Schmid crée le « Biau Germe » elle invente sans le faire exprès un nouveau métier, celui de jardinier semencier bio. Trente-six ans plus tard, demandez à une jeunesse de vingt ans qui rêve de campagne ce qu’elle veut faire dans la vie, la réponse est « maraîchère en permaculture et productrice de semences. » Au fil des pages, c’est ainsi que s’exprime notre amie Patricia, avec son franc parler et des propos sages qui vont plaire aux défenseurs de la Nature.

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Chapitre après chapitre, elle évoque les connaissances à acquérir pour comprendre les mécanismes de la sélection des semences. Beaucoup de variétés anciennes, quand on ne parlait pas encore de cultivars, portent les noms des communes qui les ont vues naitre : Epinard monstrueux de Viroflay, chou milan de Pontoise, carotte de Carentan. Paris cerné par beaucoup de zones maraîchères est riche de belles trouvailles, la région nantaise aussi et le Lyonnais tout autant, car il y a beaucoup de débouchés commerciaux et parce que le climat y est favorable. Puis elle évoque très vite ce qu’elle intitule « Quand la loi entrave la circulation des semences ». C’est une référence à l’élaboration des conventions internationales qui visent à breveter tout ce qui est vivant. Une fois ratifiées, elles abolissent les lois nationales encadrant tout le cycle de la semence, de sa production à sa commercialisation, échanges gratuits compris. Car en la matière, le droit ne distingue pas la vente du don. En principe, gratuit ou payant, l’échange est interdit pour les semences non répertoriées dans les catalogues recensant les plantes autorisées à circuler. Elle explique ce qui nous parait un non-sens aujourd’hui et que des rebelles d’alors ont tenté de contourner au risque de procès.

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Cette mise au point énoncée, Patricia Beucher passe aux pages pratiques de la multiplication des fleurs, fruits et légumes que chacun est en mesure de faire pousser dans son propre jardin. Elles sont riches d’attrait tant il est évident que l’auteur connait le sujet sur le bout des doigts. On découvre tout à tour : amarante, aneth, angélique, arachide, arroche, artichaut, asperge, aubergine, baselle, basilic, betterave, carotte, cerfeuil, chénopode Bon-Henri, chou, claytone, concombre, cornichon, courge, courgette, soit plusieurs dizaines de références. A titre d’exemple, voici ce qui apparait à la rubrique lin, en latin Linum usitatissimum : « Le plus joli, c’est le lin à tisser, Altier (1m), le lin compose de ravissants rideaux verts et bleus parmi les cultures du potager. Pour favoriser la germination, semer directement en terre meuble, profonde, enrichie l’année précédente, par exemple entre des rangs de pommes de terre, en avril-mai après le buttage. On enterre à peine la graine. Inutile de semer trop tôt, le lin ne germe qu’entre 18 et 21°C. La germination peut prendre 2 à 3 mois, voire ne se déclencher que l’année suivante ! La suite est plus facile, récolte des urnes pleines de graines en fin d’été lorsqu’elles passent au brun clair, puis écrasage au pilon à purée et vannage. Les graines de lin germées sont excellentes pour la santé et pour faire pondre les poules en hiver. Les tiges de lin sont excellentes en paillis. »

PBEUCHER

Quelques bonnes adresses :
www.biaugerme.com
www.agrobioperigord.fr
www.semencespaysannes.org
www.editions-ulmer.fr