Voyageuse passionnée par le monde végétal, Katia Astafieff, de la direction des jardins botaniques du Grand Nancy, raconte dix incroyables aventures de plantes venues de loin dans son livre « L’aventure extraordinaire des plantes voyageuses », publié il y a deux ans chez Dunod. Elle évoque tabac, kiwi, rhubarbe et l’étrange rafflésie. Elle a ainsi choisi dix plantes, mais tout autant d’explorateurs partis en expédition au bout du monde et souvent au péril de leur vie. Et en matière de voyages, Katia sait de quoi elle parle tant elle-même a suivi la trace de ces géants de la botanique. On découvre ainsi cette vulgarisatrice scientifique des temps modernes qui sait raconter de stupéfiantes histoires.
Avoir le soutien de Francis Hallé, botaniste confirmé et apprécié depuis son expédition « Le radeau des cimes », pour préfacer un livre sur les plantes voyageuses est un encouragement que beaucoup de jeunes auteurs apprécieraient. Avec une recommandation aussi flatteuse, il ne reste qu’à ouvrir l’ouvrage et avancer dans le récit servi par une jeune femme biologiste de formation qui s’est découvert un goût pointu pour les voyages à force de suivre ceux des grands botanistes qui l’ont précédée. Et montré le chemin en quelque sorte !
https://www.babelio.com/livres/Halle-Le-Radeau-des-cimes/121473
« On me pose souvent la question : pourquoi partir ? » déclare Katia Astafieff dans son prologue. « La réponse est à la fois peu aisée et si évidente : comment peut-on ne pas partir ? C’est ainsi que je m’en allai autour du monde, pour le voir, tel qu’il est, pas celui qu’on devine dans les reportages. Je suis partie, plus que modestement, sur les traces des explorateurs, même si j’en suis loin, très loin. Telle était donc mon ambition : traverser la Chine et écrire un jour au sujet de la vie originale de ce botaniste excentrique Joseph Rock. Et parmi les trouvailles de ce dernier, une pivoine mystérieuse.» Elle parle là d’une pivoine arbustive qui portera un jour son nom : Paeonia suffruticosa rockii (photo ci-dessous).
Paeonia suffruticosa rockii. Cette pivoine arbustive est intimement liée à la vie d’un aventurier du nom de Joseph Rock, né à Vienne (1884-1962). Cet homme à l’érudition incroyable a un CV hors du commun. Il est botaniste certes (bien que son diplôme de botaniste soit un faux !), mais aussi explorateur, géographe, photographe et linguiste. En étudiant son personnage, Katia découvre que son père travaillait chez un riche aristocrate polonais, auquel Joseph encore enfant dérobe un jour un livre d’apprentissage du chinois. Apprendre les langues va devenir son passe-temps préféré semble-t-il puisque on sait maintenant qu’il s’exerce également sur le hongrois, l’arabe, l’hébreu, le latin et le grec. Son envie de voyages devient pressante. Katia Astafieff en dresse le panorama. Et c’est sur la terrasse d’une lamaserie isolée à l’ouest du Tibet, où il a sympathisé avec un grand lama, le prince de Choni, et où il séjourne deux années qu’il voit la merveille. Il en collecte des graines qu’il envoie à des jardins botaniques.
Une plante volée aux Chinois par un espion britannique. Si l’histoire vous tente, Katia raconte comment Robert Fortune a dérobé les meilleurs théiers aux Chinois. Ce qui a permis au thé de devenir la boisson la plus consommée au monde. Du théier, Camellia sinensis, ce sont les feuilles de l’arbuste que l’on consomme après des processus d’oxydation et de fermentation. Robert Fortune (1812-1880) avait travaillé au jardin botanique d’Edimbourg. Il s’y était fait remarquer par ses capacités multiples et la publication en 1843 du récit de son premier séjour en Chine où il avait été envoyé par la RHS (Société royale d’horticulture) « Trois années d’excursions dans les provinces du nord de la Chine ». Les Britanniques, souhaitant pour des raisons économiques rivaliser avec les Chinois en créant leurs propres cultures, avaient trouvé en sa personne le candidat idéal.
La fleur la plus grosse et la plus malodorante du monde. Pour la rencontrer, il faut aller en Indonésie, en Malaisie ou aux Philippines. Quand on tombe sur elle, dans le sauvage de la jungle, aucune risque de confusion. C’est une masse rougeâtre gigantesque (jusqu’à un mètre de diamètre) recouverte de pustules blanches. De plus, elle sent très mauvais. Tout pour plaire ! Elle se nomme Rafflesia arnoldii. Tout ça parce qu’elle a été découverte par Stamford Raffles et Joseph Arnold, hommage à ces deux grands naturalistes. Katia Astafieff les présente avec infiniment de détails et explique les raisons de l’odeur. La rafflaisie effectue de la thermogenèse. Elle est donc capable de produire de la chaleur, phénomène rare chez les plantes. Cela permet de mieux dégager les composés volatiles qui attirent les insectes pollinisateurs apparemment pas gênés par ce que certains décrivent comme une puanteur extrême !
https://www.dunod.com/sciences-techniques/aventure-extraordinaire-plantes-voyageuses 17,90 euros
© Le copyright des photos appartient à Katia Astafieff