LE POTAGER D’UN FRIMEUR DE XAVIER MATHIAS

Dans les temps anciens, le potager était nécessité. Avec les années 2000, il est devenu loisir et porteur de belles valeurs que les sociologues nomment « quête de sens », « rêve d’autarcie » ou « remède à l’éco-anxiété » comme aime à le rappeler François-Régis Gaudry dans la préface du dernier livre de Xavier Mathias aux Editions Terre Vivante. Xavier Mathias, vous connaissez ? Sa voix suave, on l’entend beaucoup à la radio, sa plume alerte signe tant de billets dans la presse et il donne tant d’interviews qu’on a le sentiment que Xavier ne dort jamais. Et pourtant ! En plus de cette énergie dépensée en maints lieux, il a encore le temps de produire des légumes inoubliables, autant par leur diversité que par leur qualité. Mais en fait, ce qu’il aime par dessus-tout, c’est communiquer pour transmettre sa connaissance immense du végétal et l’art de vivre sainement.

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Pour pénétrer dans l’intimité culturelle de Xavier Mathias, il faut le laisser parler. D’où la carte blanche de son éditrice à Terre Vivante, Brigitte Michaud, pour expliquer sa découverte des légumes. « Un beau jour, dans une banale cantine, nous prenons conscience que les frites sont paradoxalement faites avec des légumes : les pommes de terre. Ce fut un bon début et ce fut le mien. Avant l’immense plaisir que me fit le potager au sortir de l’adolescence, le constat chez moi était alarmant : aucune attirance pour de brillantes études, pas d’attrait particulier pour les voyages ou les exploits sportifs, aucun intérêt non plus pour les voitures ou les montres… on peut dire que j’étais mal parti. Heureusement, flottait encore dans l’air le parfum de friture de mes années d’incarcération au collège. C’est alors que, guidé par la faim et une tenace envie d’autonomie, je me décidai à aller regarder de plus près de quoi il en retournait exactement avec ces pommes de terre, qu’enfin je me résolus à cultiver. Comme ça, juste pour voir. »

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« Quelle heureuse rencontre avec ces belles allongées qui ne nous révèlent leur trésor souterrain qu’après de longs mois d’attente. Au patient jardinier alors, ces chairs fermes ou tendres, pâles ou colorées, opulentes, généreuses ou ne s’offrant que comme à regret, pudiquement dissimulées sous une tunique maculée de terre ou de paille. Pouvais-je aussi deviner ce cortège infini qui les accompagnait, mes belles Solananées ? Comment m’attendre, moi qui n’était conduit que par des souvenirs de satiété et du mélange moutarde/ketchup, à ce qu’en leur compagnie je découvre émerveillé poires de terre (Polymnia edulis), cerises de terre (Physalis pubescens), châtaignes de terre (Bunium bulbocastanum) et amandes de terre (Cyprus esculentus) ?
Pouvais-je prévoir qu’à partir de ce morne souvenir de réfectoire trop bruyant, où l’on distribuait une nourriture trop grasse, tout un monde allait s’offrir à moi ? tout cela sous un peu de terre. »

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Xavier rappelle un peu plus loin qu’il se souvient à ses débuts, à l’occasion d’une foire aux plantes rares, d’un monsieur qui l’avait interpellé, un brin moqueur, pour lui faire remarquer qu’il y avait tout de même un peu de frime dans tous ces légumes si inhabituels. Plus de vingt années ont passé depuis ces mots et Xavier continue à faire le malin, surprendre, provoquer un sourire, attirer l’attention d’un enfant, d’une grand-mère ou d’une belle jardinière avec cet invraisemblable potager. Chaque plante est un don qui nous est fait et il avoue s’en émerveiller, encore et toujours. Alors, frime-t-il vraiment avec tant de connaissances accumulées ? sur les marchés, dans les écoles, devant les micros ? Sans doute un peu, mais c’est pour votre plaisir qu’il nous invite à découvrir « Le potager d’un frimeur »  :  https://boutique.terrevivante.org/librairie/livres/4476/sans-collection/1623-le-potager-d-un-frimeur.htm

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Viennent ensuite sur une trentaine de pages, les mots et les techniques de Xavier pour cultiver selon les valeurs essentielles qu’il a mises en place au fil de sa carrière. La qualité de la terre : comment l’améliorer et l’enrichir au fil du temps, la rendre vivante et riche en micro-organismes et cesser de lui nuire avec le labour et le bêchage à l’ancienne. Sur ce point, les jardiniers de fraîche date seront plus faciles à convaincre que les anciens qui ont toujours fait sur ce modèle. Il évoque alors les techniques récentes de la permaculture très prometteuse à ses débuts à condition de bien la pratiquer, du compostage qui permet là encore si l’on s’y prend bien de transformer en azote et carbone une quantité incroyable de matières végétales comme les déchets de tontes et de cuisines, les mauvaises herbes, les feuilles mortes, les pailles de lin et de céréales, les branchettes fines produites par la taille des arbustes. A bien y réfléchir, il conclut que « ce qui est issu du jardin et qu’on prendrait pour un déchet est en fait une ressource que nous n’avons pas encore identifiée. »

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Après avoir décliné ses bonnes recettes de culture et diffusé sans réserve une quantité incroyable de jeux de mots pour tenter de rendre sa science agronomique à la portée de tous, Xavier Mathias déroule son catalogue de plantes qui vont intriguer le néophyte. « Dans mon jardin, dit-il, les sauges peuvent sentir le cassis ou l’ananas, les menthes avoir des parfums de banane qui aurait traîné dans un cartable ou de chewing-gum à la chlorophylle, voire de rien du tout. Par ici, la mertensia se prend franchement pour une huître, tandis qu’un peu plus loin Paederia lanuginosa a d’incontestables relents de camembert qui pue. Là, il y a même un melon qui s’est déguisé en concombre. Et oui, sous leurs dehors de bonnes filles, les plantes potagères adorent jouer des tours. Toutes ces petites incongruités nous rappellent en permanence de ne pas être trop sûrs de nous quand nous visitons un potager. Dame Nature a plus d’un tour dans son sac.

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https://boutique.terrevivante.org/librairie/livres/4476/sans-collection/1623-le-potager-d-un-frimeur.htm   25 euros