Un entretien avec Jean Lemoussu, jardinier-en-chef à Marqueyssac, Dordogne
« Le buis, c’est une plante face à cultiver ! Du moins ça l’était jusqu’à ces dernières années. Dans les jardins de Marqueyssac où les buis se comptent par milliers, ils sont devenus un véritable casse-tête. Nous en avons près du château où ils sont taillés et encore plus dans les espaces plutôt sauvages où ils sont bien moins surveillés. Comme dans beaucoup de jardins en Europe, nos buis sont attaquées par un insecte et deux champignons. Pour les soigner, nous devons utiliser des méthodes et des produits adaptés à l’accueil des visiteurs. La tendance est orientée vers les méthodes biologiques.
Deux champignons
« Remarqués au Royaume-Uni au milieu des années 90, deux champignons ont été mis à jour. Puis en Europe de l’Ouest et plus récemment en Amérique du Nord. Ils provoquent le dépérissement des feuilles et des rameaux. Leurs noms : Cylindrocladium buxicola et Volutella buxi. C’est le premier surtout qui nous préoccupe à Marqueyssac. Cela commence par des taches noires sur les feuilles. Les feuillages touchés tombent ensuite et des stries noires paraissent sur les jeunes tiges. Nous avons observé de gros dégâts fin 2013. La maladie connue sur le site depuis 2010 était contrôlée sans être éradiquée. En octobre 2013, l’attaque très tardive dans la saison d’été a été d’une grande virulence en un espace temps très court. Cette attaque est certainement la résultante d’une accumulation de facteurs favorables : conditions climatiques humides et douces sur plusieurs saisons consécutives ainsi que l’absence de gelées précoces en fin d’année 2013. Le temps restant doux et humides fin 2013 et début 2014, la maladie a montré de nouveaux signes de développement. Et cela malgré nos traitements.
« L’utilisation des fongicides est d’une efficacité relative, les traitements préventifs étant les meilleurs. Selon nos observations, une pulvérisation toutes les trois ou quatre semaines entre mai et septembre est la plus opérante. Compte tenu de cette faible efficacité de la chimie, d’autres moyens ont été mis en oeuvre dans le but de renforcer les défenses naturelles des buis, dont l’application d’extraits de plantes fermentées et une fertilisation essentiellement orientée vers des apports potassiques. Nous avons pulvérisé une fois par mois entre avril et octobre des mélanges dosés à 20/30% de purin d’ortie, de prêle et de jus de consoude, additionnés d’un peu de savon noir. On a aussi observé que cette même formule seulement dosée à 5/10% était un bon stimulant des plantes affaiblies et un cicatrisant efficace des coupures inhérentes à la taille.
Un insecte, la pyrale
« La pyrale est un papillon signalé pour la première fois en France en 2007. C’est seulement durant l’été 2015 qu’on en a vus et capturés quelques dizaines à Marqueyssac. N’ayant rien fait contre la pyrale cette année là, nous n’avons pas été surpris d’en voir plus en 2016. A ce jour nous connaissons trois moyens de lutte.
« Le piégeage avec les phéromones qui permet de déceler l’apparition des papillons. Ce qui initie de début du traitement proprement dit qui peut être de deux ordres.
« Les trichogrammes. Ce sont de petites guêpes qui pondent exclusivement dans les oeufs de la pyrale et les détruisent par le fait. Une espèce de ces guêpes est connue depuis plus de trente ans pour lutter contre la pyrale du maïs. La mise en oeuvre de cette lutte biologique doit être extrêmement précise pour être efficace, soit deux applications à une semaine d’intervalle pour chaque génération de pyrale. Un bon traitement peut éliminer jusqu’à 90% des oeufs de chaque ponte, ce qui réduit d’autant le nombre de chenilles qui consomment les feuilles. Nous avons sur la totalité du parc lâché quelques dix millions de trichogrammes. En regard des effets produits, nous sommes plutôt satisfaits.
« Et le bacille de Thuringe. Complémentaire à la lutte biologique, les traitements au bacille restent indispensables pour détruire un maximum de chenilles résiduelles. Nous avons traité deux fois à deux semaines d’intervalle pour balayer l’ensemble de chaque ponte. Plus les chenilles sont jeunes (quelques jours) quand elles sont mises en présence du bacille, plus l’efficacité est observée. Un traitement en début de printemps est nécessaire car il élimine les chenilles qui ont survécu à l’hiver. Ce passage est plus difficile à positionner car on ne sait jamais trop quand elles vont se remettre en activité.
« En conclusion, si les moyens de lutte existent, la complexité réside sur leur mise en application. Et si nous nous sommes plutôt bien sortis d’affaire à Marqueyssac en 2016, chaque saison nouvelle s’annonce comme une nouvelle bataille. De gros espoirs sont aussi fondés sur les moyens de confusion sexuelle avec les phéromones qui devraient être commercialisés dans des délais assez courts. On parle de 2018 ! »
carnet d’adresses
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