Pionnière de la sommellerie du thé, Lydia Gautier nous entraine en voyage avec son dernier livre « Portraits de thés » dans une quarantaine de pays producteurs. Certains sont très connus comme la Chine, l’Inde et le Sri Lanka. D’autres inattendus : Pérou, Malaisie, Hawaii. Après l’avoir lu, vous ne boirez plus votre tasse de thé avec le même regard, ou plutôt la même routine. L’art de préparer le thé est régi par des codes qu’il est utile de connaitre, même si on ne les suit pas toujours à la lettre.

Ceux qui l’ignorent apprendront que ce sont les feuilles séchées et spécialement préparées d’un arbuste, le Camellia sinensis, qui servent presque toujours à la confection du thé. Cela était toujours le cas jadis, depuis sa création estimée à 2.500 ans avant J.C. De nouveaux venus sur le marché vendent aujourd’hui sous le nom de thé des préparations récentes faites à partir d’une autre plante, Aspalathus linearis en latin et rooibos en afrikaans, langue de la province du Cap en Afrique du Sud. Ces substituts sont devenus à la mode en Europe. On les rencontre sous les noms de rooibos vert et rooibos rouge. Lydia les présente également parmi les 119 sélections qui sont l’objet du livre. Elle passe en revue les origines de chacun, l’historique de leur découverte, les régions du monde où on les cultive et pourquoi. Elle ajoute des observations plus basiques telles la température de l’eau qui sert à préparer l’infusion, la durée idéale de celle-ci, la nature de la théière (métal, porcelaine, grès…) ainsi que les accords mets/boissons comme on a coutume de le faire avec le vin.

Ingénieur agronome, Lydia Gautier a travaillé  dans les vignobles français et sud-américains avant de s’orienter vers le thé en 1995. Consultante pour des marques internationales, elle transmet sa passion au grand public et aux professionnels à travers des livres, des événements et des formations dans lesquels le thé raconte son histoire et rencontre des produits nobles comme le vin, le fromage ou le parfum. Elle intervient en appui aux producteurs et auprès d’organisations non gouvernementales pour le développement des filières de production. Elle construit un lien privilégié avec des producteurs de thés authentiques et éthiques. Elle dirige maintenant la marque « Lydia Gautier T Edition » qui propose des pures origines et des créations personnelles, coups de coeur gustatifs et humains. Ce livre fait suite à un premier « Le Thé, arômes et saveurs du monde », paru en 2005, puis un autre « Thés & mets, subtiles alliances », paru en 2008, co-écrit avec Jean-François Noblet, qui relate les accords possibles entre cette boisson et la nourriture.

 Dans son avant-propos, Lydia tient à mettre en scène une vieille formule taoïste « Le thé est la combinaison de la terre, du ciel et de l’homme », c’est à dire un véritable produit du terroir, avec une personnalité marquée par son écosystème, par le cultivar dont il est issu, et par le travail de l’homme au champ puis à la manufacture lors de son traitement. Le thé obéit a un procédé qui suit toute une série d’étapes, dont l’ultime n’est pas maitrisée par le producteur mais bien par le consommateur : la préparation avant dégustation !

Voici deux exemples présentés dans le livre.
MO LI BAI HAO  aiguilles d’argent au duvet fin au jasmin
thé de Chine, province du Fujian, un thé blanc naturellement parfumé au jasmin, pages 54-55
La Chine produit depuis la dynastie Tang (618-907) des thés parfumés aux fleurs. Généralement on trouve le jasmin (Jasminum sambac ou paniculatum) sur les thés blancs, la rose et le gardénia sur les thés wulong ou rouges, l’osmanthe sur les thés verts, le chrysanthème sur des thés noirs dits « pu er ». A l’origine, on ajoutait des fleurs pour masquer le goût des thés de mauvaise qualité. Mais les recettes ainsi créées eurent tellement de succès au fil des siècles que de véritables grands crus de thés aux fleurs sont nés. C’est ainsi qu’il en existe désormais une multitude de qualités, au jasmin en particulier. Les prix peuvent varier de moins de 2 euros à plus de 30 euros les 100 grammes. Cette alliance entre thé et fleur n’est possible que dans un lieu où les plantations de l’un et de l’autre ne sont pas trop éloignées. C’est en effet la fraîcheur des fleurs qui permet d’obtenir un mariage subtil et parfait. Lydia Gautier poursuit par le processus de cueillette, de conservation et de transformation des ingrédients. Elle établit ensuite une fiche signalétique qui mentionne l’odeur végétale du mélange, fraîche et fleurie jasminée, la couleur de la liqueur limpide et jaune pâle, la flaveur de la liqueur qui développe des notes végétales et fleuries, tout en douceur et en velouté. Viennent après les conseils de préparation : eau à 80°C, temps d’infusion de 5 à 10 minutes selon la puissance souhaitée. A boire avec des plats peu relevés au curry et coco, bouillon de volaille, dessert à base de lait de coco, entremets à la vanille.

GENMAÏCHA
thé du Japon, régions de Kyoto, Shizuoka et Miyazaki, thé vert au riz grillé, pages 178-179
On rapporte qu’il y a longtemps, sans doute l’époque d’Edo (1616-1868), on mélangeait au thé de mauvaise qualité du riz grillé pour en masquer le goût. On dit aussi qu’avant 1940, quand le thé était encore rare et cher, les classes populaires le coupaient avec du riz grillé. Une autre explication vient de la fête du Nouvel-An, où il est d’usage de déposer en offrande de petites boules de riz gluant, les kagami mochi. Ces boules durcissent jusqu’à se craqueler. Et quand on les coupe pour les déguster, il reste des brisures que l’on fait griller et que l’on mêle au thé. Ce thé est devenu très populaire consommé glacé ou servi chaud en cours d’un repas. Plusieurs cultivars peuvent entrer dans sa composition. Le meilleur est fait avec du sencha de printemps. Il se présente comme sur la photo en mélange homogène de sencha aux feuilles régulières en aiguille et de riz grillé. Liqueur à la robe limpide, jaune clair. Flaveur séduisante associant les notes végétales fraîches du thé aux notes torréfiées de galettes de riz. Recommandé pour brunch à base de bacon et oeufs, grillades ou encore dessert chocolaté.

Portraits de thés, voyage dans 40 pays producteurs par Lydia Gautier, 2018, 34,90 euros
https://www.lydiagautier.com/actualite/portraits-de-thes-voyage-dans-40-pays-producteurs
http://www.delachauxetniestle.com/ouvrage/portraits-de-thes/9782603024737