PEINTRES & JARDINS DES RENCONTRES PASSIONNÉES

Jackie Bennett a signé chez White Lion Publishing, en 2019, un livre splendide ARTIST’S GARDENS. Les Editions Ulmer ont traduit l’ouvrage en français sous le titre JARDINS D’ARTISTES. On voyage grâce à lui au travers du temps et du monde, en allant à la rencontre des peintres les plus célèbres connus pour avoir dialogué avec un autre art : celui du jardin. Voici 220 pages de texte bien documenté s’appuyant sur une excellente iconographie.

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Il est assez fréquent que des artistes aient envie d’un jardin pour y planter les espèces qui les intéressent et les avoir ainsi à leur portée. Giverny, qu’on retrouve en couverture du livre dans sa version française et qui a inspiré à Claude Monet des centaines de tableaux sublimes, en est le parfait exemple. Ces jardins réels, sortis des mains de certains de peintres les plus éminents, de Renoir à Cézanne, à Salvator Dali et à Frida Kahlo, sont la matière de ce livre. Leurs massifs fleuris, leurs oliveraies, leurs vignes et leurs potagers révèlent tellement plus sur ces artistes qu’un regard fugace sur leurs tableaux. La relation entre l’artiste et son jardin est parfois compliquée. Les Impressionnistes français, tels Gustave Caillebotte et Claude Monet, qui vivaient et travaillaient tous au bord de la Seine à la fin du XIXème siècle, aimaient autant leurs plantes que leur art. Leurs confrères à Paris, Pissarro, Manet, Renoir, Gauguin ne manquaient pas une occasion d’aller peindre les maisons et jardins de leurs amis.

95 Le Sidaner IMG_4675

Henri Le Sidaner, contemporain de Claude Monet et d’Edouard Vuillard, a été aussi célèbre que ces grands artistes de son vivant. Ce qui est moins vrai maintenant ! Sans être un adepte forcené de la peinture en plein air, Le Sidaner est devenu un peintre de jardin, en particulier du sien à Gerberoy dans l’Oise. Après plusieurs échecs, il est admis à la prestigieuse Ecole des Beaux-Arts. En 1885, lassé de la capitale où il étouffe, il rejoint une colonie d’artistes à Etaples, Côte d’Opale, où il se lie d’amitié avec Eugène Chigot. Quand il découvre Gerberoy en 1901, le peintre tombe sous le charme de ce village médiéval. Au bout de quelques années, il finit par acheter l’ancien presbytère et façonne le jardin comme dans un rêve de peintre, avec de multiples parcelles où chacune a sa personnalité. La propriété appartient toujours à la famille et les descendants tentent de conserver le charme d’origine. D’où l’intérêt d’aller le visiter à la belle saison. On en apprécie le cadre, puisque Gerberoy fait partie de l’association des Beaux Villages de France. Le pavillon, dit de La Tour aux Lanternes sur une peinture de 1926, s’élève sur les ruines d’une tour médiévale.

99 Nolde IMG_4673

Emil Nolde est l’un des peintres les plus audacieux et les plus étonnants de la première moitié du XXème s. Jackie Bennett établit de lui un portrait surprenant, tant il a été mêlé à des actions inattendues, ne serait-ce que son appartenance au Parti national socialiste d’Hitler jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, alors que beaucoup de ses toiles avaient été retirées des musées par les Nazis qui les classaient dans la catégorie de l’Art dégénéré. Il a toujours vécu dans la campagne du Schleswig-Holstein, à la frontière de l’Allemagne et du Danemark. Son goût pour la peinture de jardin ne débute qu’en 1906, alors il a près de 40 ans. après avoir peint surtout des marines sur les côtes du Jutland. C’est sur l’île d’Alson qu’il se découvre une passion pour le rouge éclatant des roses. Il peindra par la suite de plus en plus de fleurs, aux coloris de plus en plus intenses. Son ultime domaine « Les Jardins de Seebüll, à Neukirchen en Allemagne est toujours entretenu et ouvert à la visite.

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Gustave Caillebotte. Dans le chapitre imposant consacré à Claude Monet et aux Impressionnistes, on trouve Gustave Caillebotte. Ce sont de grands amis. C’est la peinture qui les a réunis. Mais pas que ! Caillebotte est un jardinier aussi convaincu que savant.. Cela précisé et contrairement à Monet, il n’a jamais connu de problème d’argent. Sa famille qui vit à Paris est aisée. Il possède une propriété à Yerres, dans l’Essonne actuelle. En 1888, il s’installe en bord de Seine, au Petit-Gennevilliers, et y crée un jardin. Après avoir pris conseil auprès de Monet, il fait construire une serre et l’aménage pour l’agrément tout autant que pour la peinture. Un jour Caillebotte s’effondre dans son jardin et meurt. Il n’a pourtant que 45 ans. Monet a dit que, s’il avait vécu, il aurait été le plus célèbre de tous les Impressionnistes.

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Claude Monet. L’Impressionnisme, qui apparait en France dans la deuxième moitié du XIXème siècle, conquiert l’Europe et l’Amérique. En rupture totale avec toutes les conventions de la peinture d’atelier, ce mouvement a pour chef de file Claude Monet. La part de son oeuvre la plus marquante a été faite dans le jardin qu’il a bâti et entretenu à Giverny. Ses nénuphars « les Nymphéas » sont connus du monde entier. Une littérature impressionnante évoque sa vie et son oeuvre. Dans « Le Clos Normand », qui entoure sa maison, Monet va donner toute la mesure de son talent de coloriste. De chaque côté de l’allée centrale qui conduit de la porte d’entrée à la route, les plantes préférées du peintre jaillissent des massifs. Il y installe iris et dahlias qu’il a appris à aimer dans sa maison précédente d’Argenteuil. En enrichissant sans cesse sa palette végétale, Monet a su dessiner un jardin de fleurs exubérant. Car il voulait prolonger le plus possible la période des floraisons. Et ses successeurs sur les lieux ont pris la relève. La Fondation Monet de Giverny est de nos jours célébrissime et très largement ouverte au public.

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Edward Hornel. Quand ils peignaient hors de leurs ateliers, les peintres aimaient se réunir. Pour se soutenir, c’est évident, et pour profiter d’une émulation collective. A l’époque où Monet s’affaire au Clos Normand, d’autres s’établissent en Ecosse. Et particulièrement dans le petit port de Kirkcudbright, où Hornel possède une maison. Après un interlude passé au Japon pendant 18 mois dans des familles avec son collègue George Henry, il rentre au pays. Hornel qui est passionné par la photographie acquiert dans cette discipline une maitrise qu’il sait exploiter dans la peinture. Par exemple, il photographie des jeunes filles. Ces photos lui servent ensuite pour ses tableaux où la mise en scène est évidente et lui procure un joli succès commercial, telle la toile ci-dessus de 1905 « Le papillon prisonnier » avec de jeunes Ecossaises dans la baie de Brighouse. Dès 1901, la maison qu’il acquiert lui permet d’envisager le jardin dont il rêve depuis son retour du Japon, et dans lequel il excelle. Broughton House & Garden à Kirkcudbright est ouvert au public et toujours très apprécié.

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Marie Spartali-Stillman. « Une dame au jardin, Manoir de Kelmscott » (vers 1905) est une des multiples toiles de Marie-Euphrosyne Spartali, peintre et mannequin britannique connue ultérieurement sous le nom de Stillman. Elle appartient au groupe des « Préraphaélites » dont beaucoup ont fréquenté le Manoir de Kelmscott, dans la région d’Oxford. Le lieu est déjà charmant lorsque William Morris le prend en location. C’est l’animateur célèbre des « Arts & Crafts » un mouvement de renouveau des arts décoratifs dans lequel les jardins occupent une place prépondérante. Jackie Bennett développe ce chapitre avec brio et c’est un régal de la lire.

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William Chadwick. Peintre d’origine anglaise qui s’installe un temps à Old Lyme, entre Boston et New-York. C’est une pension de famille tenue par Florence Griswold, qui a hérité d’une vaste propriété sans avoir les moyens de l’entretenir. Elle prend donc des pensionnaires dont Henry Ranger en 1899. L’année suivante, Ranger y retourne avec plusieurs compagnons pour fonder une version américaine de la colonie française de Barbizon. Chez Florence, ils trouvent l’inspiration tant les motifs abondent avec la petite rivière qui traverse le jardin, les sous-bois proches et les champs. Florence qui est une bonne jardinière prend soin du jardin, des fleurs, des fruits et des légumes. C’est bien sûr la venue aux USA du galeriste parisien Paul Durand-Ruel, en 1883 et 1886, qui donne aux Américains le goût pour cette nouvelle façon de peindre. Les visites sont toujours possibles au « Florence Griswold Museum » de Old Lyme.

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Matilda Browne a séjourné à Lyme pendant plus de dix ans. Sa toile « Pivoines » de 1907 (ci-dessus), un régal de douces tonalités, évoque un massif de fleurs à couper comme « Miss Florence » savait les composer. Quand cette dernière comprend que les jardins coloniaux sont revenus à la mode, elle se met en quête de variétés anciennes. Elle prodigue aussi à ses hôtes toutes sortes de conseils pour leurs propres plantations.

https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/jardins-d-artistes-sources-d-inspiration-lieux-de-vie-des-plus-grands-peintres-712-cl.htm

A propos du livre en anglais :
The Artist’s Garden will feature up to 20 gardens that have inspired and been home to some of the greatest painters of history. These gardens not only supplied the inspiration for creative works but also illuminate the professional motivation and private life of the artists themselves – from Cezanne’s house in the south of France to Childe Assam at Celia Thaxter’s garden off the coast off Maine.
Flowers and gardens have often been the first choice for artists looking for a subject. A garden close to the artist’s studio is not only convenient for daily material and ideas, but also has the advantage of changing through the seasons and over time. Claude Monet’s Giverny was the catalyst for hundreds of great paintings (by Monet and other artists), each one different from the one before. Sometimes a whole village becomes the focus for a colony of artists as at Gerberoy in Picardy and Skagen on the northernmost tip of Denmark.

This book is about the real homes and gardens that inspired these great artists – gardens that can still be visited today. The relationship between artist and garden is a complex one. A few artists, including Pierre Bonnard and his neighbour Monet were keen gardeners, as much in love with their plants as their work, while for others like Sorolla in Madrid, his courtyard home was both a sanctuary and a source of ideas.