RÉTROSPECTIVE CONSACRÉE A KER-XAVIER ROUSSEL

Après une formation académique qu’il rejette au bout de quelques années, Ker-Xavier Roussel rejoint le groupe des Nabis qui s’était formé en 1888 sous l’égide de Paul Sérusier. A l’instar d’Edouard Vuillard et de Pierre Bonnard qui partagent avec lui un atelier rue Pigalle à Paris, Roussel préfère rester à bonne distance des préceptes de Maurice Denis (un Nabi) qu’il juge trop contraignants. Et il fait carrière, même si celle-ci ne le place pas au premier rang des peintres de son époque. Le Musée des impressionnismes à Giverny répare cet oubli en programmant pour l’été 2019 une exposition monographique sur son oeuvre intitulée « Ker-Xavier Roussel, jardin privé, jardin rêvé ».

IMG_3098

Aucune rétrospective d’ampleur consacrée à Roussel (1867-1944) n’a été organisée en France depuis celle de 1968 à l’Orangerie des Tuileries où son oeuvre était présentée en même temps que celle d’Edouard Vuillard. La rétrospective 2019 propose de découvrir cet artiste resté dans l’ombre à travers des toiles inédites – la majorité d’entre elles étant conservées dans des collections particulières – et de reconstituer certains décors dispersés dont le format et la palette ne manqueront pas de surprendre. Elle comprend une centaine d’oeuvres, depuis les expérimentations nabies des années 1890 jusqu’aux vastes narrations mythologiques que l’artiste revisite avec une force constante au tournant du XX° siècle.

IMG_3093

Entre 1888 et 1890, il traite de sujets plutôt réalistes, déjà sous l’influence de Pierre Puvis de Chavannes. Il fait preuve d’une élégante rigueur dans ses compositions et maîtrise avec vigueur des tons d’une grande sobriété. Il travaille des à-plats radicaux qui annulent la perspective classique et il joue de la frontalité des plans pour brouiller les repères spaciaux de la peinture conventionnelle.

IMG_3052

Roussel ne puise pas nécessairement son inspiration aux sources du quotidien comme Vuillard. Mais quand il le fait, il garde toujours une poésie du regard qui lui permet de transfigurer des scènes prosaïques en petites paraboles mystérieuses, dont seuls lui et ses proches peuvent en connaitre les codes. On suit ainsi d’oeuvre en oeuvre une même silhouette de jeune femme. Et il existe certainement à travers ces tableaux, voilée sous la pudeur du cryptage, une chronique entière de sa rencontre avec la soeur de Vuillard, Marie, jusqu’à son mariage avec elle en juillet 1893.

IMG_3058

Très rapidement, Roussel se détache du quotidien et il amorce une évolution sans retour vers un monde rêvé, droit sorti de son imagination, nourri des auteurs grecs et latins qu’il lit dans le texte depuis toujours, si l’on se réfère au dossier de presse publié pour présenter l’exposition. L’univers des bois sacrés chers à Puvis de Chavannes se peuple de jeunes femmes au bain qui laisseront place, au tournant du siècle, à des nymphes plus légères.

IMG_3039

Dans ce tournant du siècle, l’oeuvre de Roussel prend définitivement un sens mythologique. Déjà en germe vers 1896, le retour aux mythes fondateurs va occuper l’inspiration de l’artiste jusqu’à la fin de sa vie. La période qui s’ouvre autour de 1900 n’est pas faite d’un bloc. Elle se compose de plusieurs chapitres qui correspondent à des manières différentes, des visions qui, chacune, occupent plusieurs années. Toutes sont cependant placées sous l’influence des idées vitalistes de Friedrich Nietzsche dont Roussel, germanophile convaincu, a eu la révélation en lisant les premières traductions françaises du philosophe en 1892. La pensée nietzschéenne forme certainement le liant le plus significatif de sa production. Elle imprime sa marque exubérante, dionysiaque, sur les cortèges de Bacchus, les groupes de nymphes et les satyres. Et plus généralement sur toute cette nature rêvée qui anime ses compositions !

IMG_3108

La dernière partie de l’exposition propose la capacité de l’artiste à faire glisser la mythologie dans notre réalité quotidienne en lui donnant pour décor le paysage des Yvelines. L’Etang-la-Ville fait alors office de site antique dans un raccourci temporel voulu et organisé par le peintre. En 1899, Roussel a choisi la campagne encore rustique des environs de Marly pour y installer maison, famille et atelier. Il rompt ainsi définitivement avec cet alentour urbain si peu adapté à ses rêveries et utilise le vallon qui s’étire autour de lui pour nourrir un véritable répertoire de décors. Ce n’est donc pas sur les reliefs escarpés du Péloponnèse que ses fables s’épanouiront mais en forêt de Marly, sous les taillis de son jardin ou encore au milieu de son verger !

Exposition jusqu’au 11 novembre 2019   https://www.mdig.fr
 

IMG_3046