VOYAGE AU DELA DES LIMITES PERMISES PAR LE CONFINEMENT

En plein coeur du Brésil s’étend la région du Xingu, l’une des dernières grandes parties sauvages du monde, qui abrite des forêts immémoriales et des peuples aux racines tout aussi anciennes. Pendant 25 ans, Sue et Patrick Cunningham, elle photographe et lui écrivain,  se sont rendus vers ces régions isolées pour rencontrer et découvrir les communautés d’Amazonie. Puis, ayant remporté le Prix Neville Shulman de la Royal Geographical Society en 2006, ils ont organisé une expédition de six mois dans le Xingu profond. Cette immersion leur a permis de saisir à la fois l’ampleur des disparités culturelles des peuples autochtones et leur unicité, leur humanité commune avec les autres peuples de la planète. Ils témoignent avec ce livre magnifique publié en octobre dernier, version française de l’édition originale britannique chez Papadakis Publisher en 2019.

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STING. De son vrai nom Gordon Matthew Thomas Sumner, Sting est un auteur-compositeur-interprète et musicien britannique mondialement connu,  né en 1951. De tout temps intéressé par l’ethnographie, il signe l’avant-propos du livre car il y a une trentaine d’années il était déjà compagnon de voyage de Sue Cunningham, dans la première visite du bassin du Xingu. L’un et l’autre étaient remplis d’espoir, écrit-il, pour l’avenir de leurs amis Kayapos, en raison de la Constitution brésilienne de 1988 qui reconnaissait de façon explicite les droits des peuples autochtones du Brésil. Voici donc un livre immense, paru le 15 octobre 2020 chez Delachaux et Niestlé pour sa version française. 228 pages – 255 x 310 mm – 39,90 euros. Parmi les centaines de photos publiées en voici sept parmi les plus évocatrices à mes yeux. D’autres également très fortes sont le reflet des paysages de forêts, de rivières. En bref d’exotisme dont nous sommes privés pour le moment en raison du confinement qui nous retient dans nos maisons.

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Yawapi Kamaiura tua un jour un jaguar qui l’avait attaqué, ce qui lui valu le droit spirituel de s’identifier à l’animal en portant ses griffes en collier et en ornant son visage de marques rappelant celles de la fourrure de l’animal.

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La naissance du Parc indigène du Xingu a pour origine la soif d’aventure de trois frères de Sao Paulo : Orlando, Claudio et Leonardo Villas-Boas. Dans les années 1940, ceux-ci s’étaient joints à l’expédition militaire Roncador-Xingu en se faisant passer, auprès de ses chefs, pour des hommes de terrain chevronnés. L’expédition visait à ouvrir le centre du Brésil au développement. Eux voulaient la rejoindre pour explorer le monde sauvage et peu habité de leur pays. Mais ils prirent vite conscience que les Indiens qu’ils rencontrèrent étaient beaucoup plus que « des sauvages ». Ils étaient des représentants d’une culture élaborée avec son histoire et ses valeurs, son organisation et ses normes culturelles propres. Les frères décidèrent alors que leur vocation serait de protéger ces gens vulnérables.

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Dans le village d’Afukuri, Keinahu Kuikuro s’est fait peindre le visage pour la fête de Beija Flor. Il va jouer de sa longue flûte de taquara heure après heure tout au long de la fête. La plupart des cérémonies reposent en très grande partie sur la musique et la danse. Les Xinguanos jouent de cette flûte très sonore taillée dans une espèce de bambou (le taquara) et leurs danses sont hautement formalisées. Certaines flûtes spécifiques appelées jacuis sont réservées aux seuls hommes. Elles sont conservées dans la maison rituelle au centre du village et les femmes ne sont même pas autorisées à les regarder !!!

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La peau des filles devient pâle par manque de soleil et elles se laissent pousser les cheveux durant leur isolement, qui est pour elles une période d’initiation intense où elles ne doivent pas quitter leurs maisons. Pour cette cérémonie du Taquara, ces deux jeunes filles là en sont sorties avec le statut de jeunes adultes pour prendre part à la danse. Village de Matipu. Les grandes célébrations sont toujours l’occasion de rites de passage. Les jeunes hommes et femmes sont scarifiés à l’aide d’un triangle de courge dans lequel est fichée une rangée de dents de tétra vampire (un gros poisson carnassier) pointues comme des aiguilles. On s’en sert pour gratter les parties musculeuses du corps jusqu’à ce que celui-ci soit couvert de fines lignes parallèles sanguinolentes , ce qui a pour fonction de purger le « sang faible » et permet aussi à des solutions médicinales que l’on applique d’infuser dans le corps pour le renforcer.

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Cérémonies et célébrations.
Ci-dessus : Les rites funéraires renforcent les souvenirs heureux. Tandis qu’ils dansent pour célébrer la vie de l’ancien décédé, les guerriers se remémorent les moments joyeux qu’ils ont connus avec lui de son vivant. Photo faite dans le village waurà de Piyulaga.
Ci-dessous : Les célébrations sont une occasion d’interactions entre jeunes gens dans un cadre certes formalisé, mais également détendu et agréable. Les jeunes femmes et les jeunes hommes se présentant par rangées permettent aux deux sexes de se livrer à des avances en direction de futurs partenaires éventuels. Photo faite dans le village kayapo de Kokraimôro.

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https://www.delachauxetniestle.com/livre/amazonie   39,90 euros   Médaille d’or du meilleur livre photo 2020

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