CAMILLE ET PAUL CLAUDEL PROCHAINEMENT RÉUNIS

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En septembre 2018, le Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine présente sa première exposition temporaire consacrée aux dialogues artistiques de Camille et Paul Claudel à l’occasion des 150 ans de la naissance de l’écrivain.

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L’Abandon par Camille Claudel

La confrontation des sculptures et des textes, des parti-pris esthétiques et des sources d’inspiration communes invite à dessiner un portrait artistique de la soeur et du frère. Au delà de l’histoire familiale et de l’enfance, l’exposition s’attache à mettre en évidence les échanges entre les deux artistes qui se prennent chacun pour modèle, le regard qu’ils portent sur leurs oeuvres réciproques et les influences qu’ils ont partagées. Autant de raisons de rendre visite à ce merveilleux musée de province qui a trouvé une place de choix au coeur d’une petite ville de caractère chargée d’histoire.

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Statue équestre de Jeanne d’Arc par Paul Dubois

UNE ATMOSPHÈRE XIXè SIÈCLE
Il fait bon flâner dans les rues de Nogent-sur-Seine. Aux portes de l’Aube et de la Champagne, une balade le long du fleuve et sur les berges de l’île Olive permet de se plonger dans une atmosphère XIXème siècle qui fait le charme de la ville. On y découvre alors de belles demeures qui reçurent des personnages illustres comme Henri IV, Louis XIV et Napoléon 1er. On croise aussi des lieux qui inspirèrent Gustave Flaubert pour son roman L’Education Sentimentale. Camille et Paul Claudel y vécurent dans leur jeunesse. C’est donc bien ici que Camille a façonné ses premières pièces en pétrissant l’argile nogentais.

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Monument au docteur Ollier par Alfred Boucher

POURQUOI NOGENT-SUR-SEINE ?
En 1876, le fonctionnaire Louis-Prosper Claudel est nommé Conservateur des Hypothèques à Nogent. Accompagné de son épouse et de ses trois enfants, Camille née en 1864, Louise en 1866, Paul en 1868, il va y séjourner trois années. A l’époque, trois sculpteurs connus sont liés à la ville : Marius Ramus, Paul Dubois et Alfred Boucher. Ce sont ces deux derniers qui sont à l’origine du musée municipal de Nogent-sur-Seine en y installant une partie de leurs fonds d’atelier ainsi que des sculptures de leurs amis. En 2002, le musée municipal devient Musée de France et en 2017, augmentée d’acquisitions nouvelles, la collection prend une autre dimension. Elle est installée dans un nouveau bâtiment beaucoup plus grand et prend le nom de Musée Camille Claudel.

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La Poursuite (ou La Course) par Paul Richer

LA VIE DE CAMILLE CLAUDEL
Dès l’âge de douze ans, Camille montre des dispositions étonnantes pour la sculpture. Son père qui est troublé par une vocation si précoce demande, en voisin, avis à Alfred Boucher, artiste tout juste Second Prix de Rome. Lui aussi confirme les aptitudes de la jeune fille, lui enseigne les rudiments de la sculpture, la conseille et la guide. En 1881, on retrouve Camille Claudel à Paris où elle suit des cours à l’Académie Colarossi. Car Madame Claudel s’y est installée afin que leur jeune Paul puisse suivre l’enseignement d’un grand lycée parisien, Louis-le-Grand !

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L’Homme aux bras croisés par Camille Claudel

En 1882, alors qu’elle n’a que 18 ans, Camille partage un atelier avec d’autres jeunes filles. Alfred Boucher leur rend visite une fois par semaine pour corriger leurs travaux. Pendant une de ses absences, il est remplacé par son ami le célébrissime Auguste Rodin. Le maître est très vite séduit par le tempérament fougueux et le talent exceptionnel de sa jeune et nouvelle élève au point de l’engager en 1884 -elle n’a que vingt ans- comme collaboratrice et modèle. Puis vite elle devient sa muse. La suite de cette relation devient vite fusionnelle. Elle a fait l’objet de nombreux livres, dont le plus récent de Colette Fellous chez Fayard, cette année. Et deux films, avec Juliette Binoche en 2013 dans le rôle de Camille, et en 1988 lorsque Isabelle Adjani endossait la fragilité de l’artiste. Cette fragilité qui médicalement a été longuement commentée en tant que « psychose délirante » la conduit à l’internement. Elle a 48 ans. Elle meurt 30 ans plus tard. Long calvaire ! Pour le bonheur de l’art, le musée qui porte désormais son nom s’est appliqué à présenter ses oeuvres, celles de ses maitres et des artistes de son époque. On circule avec plaisir dans une quinzaine de salles ayant chacune sa thématique.

http://www.museecamilleclaudel.fr

_DSC0025Adrien Moreau, excellent médiateur au Musée Camille Claudel

UN SUPERBE MUSÉE POUR LES OUTILS ANCIENS

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Peut-on imaginer un très bel hôtel particulier Renaissance en plein coeur du quartier historique de Troyes qui serait consacré aux outils ? oui ? non ? quels outils ? et pourquoi des outils ? C’est une histoire assez longue, car elle trouve son origine en 1524 quand un incendie ravage une partie de la ville et l’Hôtel de l’Aigle. C’est ainsi que www.tourisme-troyes.com la fait démarrer.

Jean Mauroy, contrôleur des aides et tailles du royaume, fait reconstruire l’hôtel et l’occupe avec son épouse. Le bien devient alors l’Hôtel de Mauroy en 1556. Par dispositions testamentaires, l’hôtel est transformé en orphelinat (1582) dirigé par les Frères de La Trinité à une condition : que les orphelins puissent apprendre un métier ! Ce qui est fait. En 1746, l’hospice reçoit les premiers métiers à tisser mécaniques et devient la plus grande manufacture de bas de la ville. C’est véritablement le berceau de la bonneterie troyenne.

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Intermède en 1789 quand l’hôtel abrite une caserne. Plus tard on y trouve une filature. La beauté et l’élégance des lieux en font le premier monument historique classé dans le département de l’Aube. Entre 1920 et 1962, c’est une imprimerie qui l’occupe. Jusqu’à ce que la ville de Troyes devienne propriétaire et en confie la restauration à l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France. Dès cette époque y sont conservées des collections d’outils, de livres et des témoignages cédés par le Révérend Paul Feller. La mémoire locale a retenu ce nom car c’est celui d’un jésuite pédagogue et rénovateur des méthodes d’apprentissage (1913-1979).

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Inaugurée en 1974, la Maison de l’Outil et de la Pensée Ouvrière (MOPO), ainsi nommée selon les voeux de Paul Feller, expose dans un superbe écrin une incroyable collection faite de plus de 10.000 objets et outils utilisés aux 18ème et 19ème siècles par les métiers traditionnels. Le musée présente grâce à une scénographie exquise et parfaite leur usage et leur symbolique, merveilles de pierre, bois, fer, verre, conçues et façonnées par des créateurs et des artisans de grand savoir. L’ambition du musée est de contribuer au dialogue entre l’homme et la matière, entre les manuels et les non-manuels, entre la pensée et l’outil. Usés, gravés, personnalisés, transformés et superbement présentés, ces outils restent animés à jamais du souvenir de leurs compagnons ouvriers. C’est une ode au travail manuel et à la création récompensée l’an dernier par le prestigieux Prix Liliane Bettencourt.

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Voici pour finir un message de Christophe Cheutin, directeur de la MOPO :
« Les douze mois qui viennent de s’écouler ont été placés sous le signe de la réussite pour la Maison de l’Outil et de la Pensée Ouvrière. C’est en effet avec une immense fierté que la Maison a reçu le prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main dans la catégorie parcours 2017, le 10 octobre dernier. Etre lauréat de la Fondation Bettencourt Schueller souligne les actions que nous nous efforçons de mettre en avant dans la valorisation des hommes et des femmes de métiers, mais aussi dans la transmission des savoir-faire. Plus encore, par l’accompagnement pour la réussite de la fondation, de nombreux projets imaginés seront réalisables, feront briller la MOPO et diffuser son message et le pérenniser. En évoquant les projets, j’en viens à notre programmation actuelle qui se situe entre créativité et exception. En partenariat avec l’Institut National des Métiers d’art, l’exposition temporaire « sur la route des métiers d’art » a présenté jusqu’en avril dernier treize portraits de créateurs et d’artisans d’art réalisés par la photographe Sandrine Roudeix. Treize portraits pour treize grandes régions qui invitent au voyage. De plus et depuis plusieurs années, je mets un point d’honneur à développer la transmission vers la jeunesse, pour une alliance entre le passé et le futur dans les actions d’aujourd’hui. C’est pourquoi nous avons développé une présence dynamique sur les réseaux sociaux. Elle nous permet de traverser les frontières et connaitre une plus forte renommée internationale. »

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Mopo, 7 rue de la Trinité à Troyes
Ouverture 7/7 jours, sauf le mardi d’octobre à mars
03 25 73 28 26
http://mopo3.com
https://www.fondationbs.org/fr
http://www.sandrine-roudeix.com

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UNE LECTURE SUR LES ENCRES DE PLANTES

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« Encres de plantes »   Faire de l’encre avec des plantes consiste à conjuguer l’amour du végétal avec celui du dessin, de l’écriture et à trouver une façon de se réapproprier des savoir-faire anciens oubliés. Les Editions Ulmer ont permis à Elisabeth Dumont d’enquêter sur le sujet.

Elisabeth Dumont, biochimiste de formation, s’est immergée pendant plusieurs années dans l’univers des plantes qui, soumises à différentes transformations, donnent naissance à des jus qui laissent une trace durable sur le papier. Sur toutes les sortes de papier mais aussi les parchemins fabriqués à partir des peaux de veau et d’agneau.

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Recette de la décoction de galles de chêne page 47

TANIN, FLAVONOIDE ET ANTHOCYANE
Son livre, c’est 150 pages d’écriture serrée, avec beaucoup d’illustrations, qu’on lit un peu comme un roman tant on a envie de découvrir les usages des écrits, dessins et gravures pratiqués au cours des milliers d’années qui nous ont précédées. Sans les encres, comment nos ancêtres auraient-ils pu témoigner pleinement des arts de leurs civilisations successives. « Encres de plantes » se lit aussi comme un traité scientifique. Car il nous présente les différents pigments nécessaires à la confection des jus. Il y a les pigments d’origine minérale (cinabre, lapis-lazuli, ocre), ceux d’origine animale (murex, cochenille, seiche) et ceux d’origine végétale (tanin des galles de chêne par exemple pour les noirs et les bruns, flavonoïde du genêt pour les jaunes, anthocyane du sureau pour les bleus et les rouges). Elisabeth y ajoute les couleurs mises au point par l’industrie réunies sous le vocable de « couleurs synthétiques ». Quand elle décrit l’aniline, par exemple, fabriquée à partir d’un noyau benzénique, elle prolonge l’explication en évoquant le benzène à six carbones auxquels est ajoutée une fonction amine NH2. On comprend que nous sommes en présence d’un livre fouillé et sérieux.

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Recette du vert d’iris page 99

UNE PANOPLIE DE PETIT CHIMISTE
Toutefois, le lecteur ne doit pas se laisser impressionner. Les formules scientifiques ne sont pas si nombreuses et chacun a toujours la possibilité de sauter quelques pages pour se concentrer sur les autres. L’attrayant chapitre sur l’encre de Chine en est un exemple. En Chine, sa contrée d’origine, c’est une encre noire faite à base de noir de carbone obtenu par calcination de matériaux végétaux ou animaux. Elle est très ancienne puisqu’on trouve sa trace sur des tablettes de bois datant de 2000 ans avant notre ère. Du noir de carbone, il y en a plusieurs sortes dont le noir d’ivoire issu de la calcination de l’ivoire. Et encore le noir de fumée ou de suie déposée lors de la combustion d’huiles diverses ou de bois résineux. La fumée qui se dégage dépose un voile noir à l’intérieur d’un entonnoir placé au dessus de la flamme. Cela peut aussi être de la suie réduite en poudre et mélangée avec un liant fait à partir de gomme-laque, colle de peau de lapin, colle de poisson. Les chapitres qui concernent la fabrication des encres de couleur faites avec du chou rouge, du phytolaque ou du sureau sont l’occasion pour Elisabeth de donner des recettes éprouvées par sa longue expérience. Chaque page du livre devient un prétexte pour se sentir transformé en parfait petit chimiste. Et en botaniste aussi car bon nombre des ingrédients poussent dans dans nos campagnes et dans nos jardins. A nous d’en faire connaissance !

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Jus de carotte noire + alun photo page 157

Elisabeth Dumont aime partager son expérience en animant notamment divers ateliers sur l’utilisation des plantes. Il y a des activités pour enfants, d’autres pour adultes.
http://elisabeth-dumont.fr
https://www.editions-ulmer.fr
Encres de plantes  – 20 euros – mai 2018

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