RENOIR CÉLÉBRATION D’UN CENTENAIRE

Au milieu de sa vie, Pierre-Auguste Renoir, peintre impressionniste, jouit déjà d’une forte popularité. Il vit à Paris et travaille dans un atelier à Montmartre, lorsqu’il fait la connaissance d’Aline-Victorine Charigot, de 18 ans sa cadette. Nous sommes en 1880 et Renoir a déjà 39 ans. Elle devient son modèle. Et plus tard son épouse et la mère de leurs trois enfants. La jeune Aline est native d’Essoyes, village de l’Aube, en Champagne. Cette petite cité riante plait à l’artiste, il y voit source d’inspiration. Au point d’acheter une maison en 1896. Pour commémorer le centenaire du décès de P-A. Renoir (1841-1919) Essoyes honore ce moment par plusieurs manifestations qui se succèderont tout au long de l’année.

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La Maison d’Essoyes

Pierre-Auguste Renoir nait à Limoges en 1841 d’un père tailleur et d’une mère couturière. En 1845 les Renoir s’installent à Paris espérant y trouver de meilleurs emplois. Dès l’âge de 13 ans le jeune Pierre-Auguste commence à travailler dans un atelier de peinture sur porcelaine. Au début des années 1860, on le retrouve copiste au musée du Louvre, puis élève de l’Ecole impériale et spéciale des Beaux-Arts. Il entre comme apprenti dans l’atelier du peintre Charles Gleyre. Il y rencontre Monet, Bazille et Sisley, avec lesquels il se lie d’amitié. Il trouve son style en admirant Ingres, Delacroix et Manet. Sa vie est lancée et sera un tourbillon de rencontres, d’influences, d’expositions et de belles ventes. Mais aussi de soucis. Car il est mobilisé pendant la guerre franco-prussienne de 1870. Hospitalisé après une grave maladie, il est rendu à la vie civile en 1871. L’année suivante, il rencontre le marchand d’art Paul Durand-Ruel qui jouera un rôle important dans la reconnaissance mondiale des Impressionnistes, auquel il appartient dès 1874.

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Paul Durand-Ruel

Lors de l’exposition de 1878, coup de maitre avec son chef-d’oeuvre  « Le Bal du Moulin de la Galette » qui est acheté par Gustave Caillebotte, membre et mécène du groupe. Cette toile ambitieuse par son format (1,30 m x 1,70 m) est caractéristique du style et des recherches de l’artiste durant la décennie 1870 : touche fluide, ombres colorées, non-usage du noir, effets de textures, jeux de lumière qui filtrent à travers les feuillages, les nuages, goût pour les scènes de la vie populaire parisienne.

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Reconstitution d’un des salons de la maison d’habitation.

L’histoire a retenu qu’autour de 1880, Renoir est en pleine misère. Il n’arrive plus à vendre ses tableaux et la critique est souvent mauvaise. Alors il décide de ne plus exposer avec ses amis Impressionnistes mais de revenir au Salon officiel, seule voie supposée possible pour le succès. Deux toiles sont des marqueurs de cette période : « Madame Charpentier et ses enfants » et surtout le fameux « Déjeuner des canotiers » où il fait évoluer sa palette en recherchant davantage les effets de lignes, les contrastes marqués, les contours soulignés. Sa carrière est lancée même si elle connait des hauts et des bas et il s’éloigne des influences de ses premiers maitres pour trouver son style. Lorsqu’il achète sa maison d’Essoyes en 1896, Auguste Renoir est devenu un des meilleurs maitres de la peinture française. Il a déjà deux garçons, Pierre et Jean Renoir, et tout le monde se retrouve là les étés et les portes sont toujours ouvertes à qui le souhaite : amis de passage, villageois, enfants, sans oublier les modèles. Renoir aime être entouré et partager de bons repas. Il y peindra pendant plus de trente ans. La famille  profitera de « sa maison d’été » jusqu’en 2012, date de sa vente à Essoyes, une opportunité pour la commune qui souhaite compléter son offre touristique. Essoyes rend hommage à Sophie Renoir, arrière-petite fille du peintre, pour lui avoir permis de créer un lieu de mémoire.

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Madame Charpentier et ses enfants.

Pour Catherine Jarrier et Thierry François, muséographes-décorateurs de la Maison de Renoir à Essoyes, quoi de mieux pour entrer dans l’intimité du peintre que de raviver les émotions d’enfance de Jean Renoir, 2ème fils et cinéaste de génie : « Mon père peignait extrêmement vite et bien, simplement parce que nous nous amusions autour de lui. Cet homme avait besoin d’être entouré de joie et il créait la joie. D’ailleurs la principale chose pour lui dans la vie c’était la joie. »

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Reconstitution de la chambre de Madame Renoir.

La joie mais aussi la simplicité de la vie à Essoyes. Renoir était un homme simple qui ne recherchait pas le confort. Et il redoutait par dessus tout de vivre dans les endroits où la lumière n’était pas belle. D’où son installation à Cagnes-sur-Mer, en 1907, au Domaine des Collettes, oliveraie de trois hectares avec des orangers et une fermette. Il avait choisi le soleil pour tenter de réduire son rhumatisme polyarticulaire inflammatoire déformant qui réduisait son aisance à peindre. Des photos de Renoir à la fin de sa vie montrent ce handicap. L’atelier de Renoir qui a été reconstitué à Essoyes expose son fauteuil d’handicapé. Ce qui est très émouvant. Un regret toutefois : une seule oeuvre du maître est visible en ce lieu. Pas de prêt en 2019 de la part des musées qui possèdent des toiles signées Renoir, pas plus que des particuliers du monde entier. Seulement des copies ou des photos. La rançon de la gloire sans doute !

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L’atelier du peintre.

https://renoir-essoyes.fr/fr/decouvrir-renoir-a-essoyes/sa-vie-sa-famille-son-oeuvre/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_Renoir#cite_note-76
https://fr.wikipedia.org/wiki/Musée_Renoir_de_Cagnes-sur-Mer

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RÉTROSPECTIVE CONSACRÉE A KER-XAVIER ROUSSEL

Après une formation académique qu’il rejette au bout de quelques années, Ker-Xavier Roussel rejoint le groupe des Nabis qui s’était formé en 1888 sous l’égide de Paul Sérusier. A l’instar d’Edouard Vuillard et de Pierre Bonnard qui partagent avec lui un atelier rue Pigalle à Paris, Roussel préfère rester à bonne distance des préceptes de Maurice Denis (un Nabi) qu’il juge trop contraignants. Et il fait carrière, même si celle-ci ne le place pas au premier rang des peintres de son époque. Le Musée des impressionnismes à Giverny répare cet oubli en programmant pour l’été 2019 une exposition monographique sur son oeuvre intitulée « Ker-Xavier Roussel, jardin privé, jardin rêvé ».

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Aucune rétrospective d’ampleur consacrée à Roussel (1867-1944) n’a été organisée en France depuis celle de 1968 à l’Orangerie des Tuileries où son oeuvre était présentée en même temps que celle d’Edouard Vuillard. La rétrospective 2019 propose de découvrir cet artiste resté dans l’ombre à travers des toiles inédites – la majorité d’entre elles étant conservées dans des collections particulières – et de reconstituer certains décors dispersés dont le format et la palette ne manqueront pas de surprendre. Elle comprend une centaine d’oeuvres, depuis les expérimentations nabies des années 1890 jusqu’aux vastes narrations mythologiques que l’artiste revisite avec une force constante au tournant du XX° siècle.

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Entre 1888 et 1890, il traite de sujets plutôt réalistes, déjà sous l’influence de Pierre Puvis de Chavannes. Il fait preuve d’une élégante rigueur dans ses compositions et maîtrise avec vigueur des tons d’une grande sobriété. Il travaille des à-plats radicaux qui annulent la perspective classique et il joue de la frontalité des plans pour brouiller les repères spaciaux de la peinture conventionnelle.

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Roussel ne puise pas nécessairement son inspiration aux sources du quotidien comme Vuillard. Mais quand il le fait, il garde toujours une poésie du regard qui lui permet de transfigurer des scènes prosaïques en petites paraboles mystérieuses, dont seuls lui et ses proches peuvent en connaitre les codes. On suit ainsi d’oeuvre en oeuvre une même silhouette de jeune femme. Et il existe certainement à travers ces tableaux, voilée sous la pudeur du cryptage, une chronique entière de sa rencontre avec la soeur de Vuillard, Marie, jusqu’à son mariage avec elle en juillet 1893.

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Très rapidement, Roussel se détache du quotidien et il amorce une évolution sans retour vers un monde rêvé, droit sorti de son imagination, nourri des auteurs grecs et latins qu’il lit dans le texte depuis toujours, si l’on se réfère au dossier de presse publié pour présenter l’exposition. L’univers des bois sacrés chers à Puvis de Chavannes se peuple de jeunes femmes au bain qui laisseront place, au tournant du siècle, à des nymphes plus légères.

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Dans ce tournant du siècle, l’oeuvre de Roussel prend définitivement un sens mythologique. Déjà en germe vers 1896, le retour aux mythes fondateurs va occuper l’inspiration de l’artiste jusqu’à la fin de sa vie. La période qui s’ouvre autour de 1900 n’est pas faite d’un bloc. Elle se compose de plusieurs chapitres qui correspondent à des manières différentes, des visions qui, chacune, occupent plusieurs années. Toutes sont cependant placées sous l’influence des idées vitalistes de Friedrich Nietzsche dont Roussel, germanophile convaincu, a eu la révélation en lisant les premières traductions françaises du philosophe en 1892. La pensée nietzschéenne forme certainement le liant le plus significatif de sa production. Elle imprime sa marque exubérante, dionysiaque, sur les cortèges de Bacchus, les groupes de nymphes et les satyres. Et plus généralement sur toute cette nature rêvée qui anime ses compositions !

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La dernière partie de l’exposition propose la capacité de l’artiste à faire glisser la mythologie dans notre réalité quotidienne en lui donnant pour décor le paysage des Yvelines. L’Etang-la-Ville fait alors office de site antique dans un raccourci temporel voulu et organisé par le peintre. En 1899, Roussel a choisi la campagne encore rustique des environs de Marly pour y installer maison, famille et atelier. Il rompt ainsi définitivement avec cet alentour urbain si peu adapté à ses rêveries et utilise le vallon qui s’étire autour de lui pour nourrir un véritable répertoire de décors. Ce n’est donc pas sur les reliefs escarpés du Péloponnèse que ses fables s’épanouiront mais en forêt de Marly, sous les taillis de son jardin ou encore au milieu de son verger !

Exposition jusqu’au 11 novembre 2019   https://www.mdig.fr
 

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ROBERT TATIN LE GÉNIE DE COSSÉ-LE-VIVIEN

Le Musée Tatin à Cossé-le-Vivien est un haut lieu de la sculpture en France. Il porte de nom de Robert Tatin, souvent nommé l’archisculpteur, pour reprendre l’expression d’André Malraux, ministre de la culture, qui nomma sa maison, ultime palier de son oeuvre, le musée de l’archisculpture. C’est un enfant du 20ème siècle (né et mort en Mayenne 1902-1983) dont la vie agitée, aventurière et riche en découvertes le renvoie aux plus Grands comme le facteur Cheval pour la construction de l’impossible et le douanier Rousseau devenu expert en art naïf.  

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Né en 1902 dans un quartier de Laval, Robert Tatin suit les cours de l’école primaire jusqu’au certificat d’études et passe ensuite directement en apprentissage de peintre en bâtiment. Il entre alors dans la voie de la construction et de la création qu’il ne quittera plus jamais. Il s’installe dès 1918 à Paris en tant qu’ouvrier peintre-décorateur. Dans le même temps, il étudie le dessin et la peinture en fréquentant des académies libres. Il est inscrit à l’Ecole des Beaux Arts et à l’atelier de fresque de l’Ecole des arts appliqués. Service militaire à Chartres de 1922 à 1924 où il suit des cours du soir de trigonométrie et de géométrie. Retour à Laval à 23 ans et il complète son savoir d’une formation de charpentier de plusieurs années. En 1930, il crée son entreprise de bâtiments et de peinture. C’est une période prospère pour Tatin, pendant laquelle il voyage beaucoup en Europe, Afrique du Nord et New-York.

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Profondément marqué par les horreurs de la guerre, il décide dès 1945 de se lancer dans une vie artistique intense. C’est un tournant capital dans sa vie de créateur. En 1947, il crée à Paris un atelier de céramique et de peinture. En participant à la reconstruction du « Paris culturel » il fréquente Prévert, Breton, Cocteau, Giacometti, Dubuffet et jouit d’une belle réputation.

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Dès 1950, Robert Tatin se sent de nouveau appelé par l’International et part au Brésil. Il travaille d’abord pour le directeur du musée des Beaux Arts de Sao Paulo comme peintre, sculpteur, céramiste. Il fait partie d’une équipe de techniciens et de chimistes qui étudient les hautes températures. L’année suivante, il expose à la première biennale de Sao Paulo et obtient le premier prix de sculpture. Il traverse ensuite l’Amérique du Sud : Argentine, Uruguay, Paraguay et Chili jusqu’à la Terre de Feu. C’est au contact des Amérindiens qu’il se libère des dogmes académiques et il élargit alors son registre de formes et de couleurs. Sa réputation est devenue internationale.

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De retour en France en 1955, il s’installe à Vence, travaille à Laval et Paris. Dans le domaine de la peinture il affirme l’étendue de sa technique. Il expose beaucoup et, en 1961, il décroche le prix de la critique à Paris. En 1962, Robert Tatin revient définitivement en Mayenne, achète une petite maison à Cossé-le-Vivien et se lance, en compagnie de sa jeune épouse Lise, dans la construction de sa « Maison des champs ». Tout ce que les visiteurs d’aujourd’hui admirent et étonnent a été imaginé et construit pendant la vingtaine d’années qui lui restent à vivre.

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L’entrée du musée se fait par un chemin de 80 mètres que Robert Tatin a bordé de 19 statues. Cette fresque où les personnage sont plus grands que nature porte le nom de l’Allée des Géants. Elle retrace sa découverte du monde et son parcours artistique en commençant par Jeanne d’Arc et Vercingétorix pour reprendre l’enseignement qu’il a reçu quand il avait 10 ans. Les géants matérialisant les verbes Etre et Avoir représentent les questionnements de la fin de l’enfance. Suivent alors Sainte Anne et la Vierge de l’Epine, référence à la mystique et à la métaphysique qui prolongent cette période de l’adolescence avec les trois interrogations classiques : D’où venons-nous ? Que faisons-nous ? Où allons-nous ? Le maitre compagnon qui leur succède évoque la voie empruntée par Robert Tatin : celle des constructeurs de cathédrales et de la quête de perfection.

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La suite de l’Allée des Géants est un hommage au monde de l’art du XIXème et du XXème siècle : André Breton, Le Douanier Rousseau, Gauguin, Seurat, Auguste Rodin, Leonor Fini, Alfred Jarry, Ubu Roi, Toulouse Lautrec, Valadon-Utrillo, Pablo Picasso et Jules Verne. Ce sont autant de points de repère pour « l’ouvrier Robert Tatin » qui est partagé entre ses créations artistiques et artisanales. La visite complète peut se préparer en ayant recours aux informations contenues dans les liens suivants :

https://www.musee-robert-tatin.fr

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Tatin

https://www.youtube.com/watch?v=PYUtpD3y_nw

https://www.youtube.com/watch?v=iQwNvxaff0E

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