POUR APPRENDRE A BIEN GREFFER

Quelles soient sentimentales ou professionnelles, bien des raisons nous incitent à apprendre à greffer. Cette opération qui consiste à réunir les branches d’une variété que l’on souhaite conserver ou propager à une plante ordinaire mieux adaptée au sol ou au climat que la plante à multiplier est une opération à la fois très simple et très technique. C’est ainsi que Dominique Cousin présente son ouvrage « Greffer facilement » aux Editions Ulmer. La greffe permet donc de cultiver des variétés fruitières et des plantes décoratives qu’il serait mal aisé de produire sur leurs propres racines. Au fil des siècles, les pépiniéristes ont développé différentes techniques de greffe pour répondre à la plupart des situations. Ce livre présentent les plus importantes avec de petits textes clairement rédigés et des photos parfaites pour montrer les gestes à suivre.

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Le greffage consiste à souder deux parties de plantes différentes. La partie racine se nomme « le porte-greffe » et la partie qu’on désire souder « le greffon ». Il faut choisir le porte-greffe le plus adapté à la nature du sol et s’assurer de sa compatibilité avec l’espèce ou la variété qu’on veut propager. Le type de greffe à adopter se choisit en fonction de l’époque et du matériel dont on dispose. D’où le grand intérêt de ce livre bon conseiller sur ces différents points.

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Greffe en écusson sur rosier. La greffe en écusson est très facile. Elle permet de changer des rosiers sauvages en belles variétés ou de rendre des rosiers ordinaires plus attrayants en y greffant des variétés différentes. Elle se pratique l’été quand la jeune pousse se lignifie (= se durcit) et que les bourgeons sont bien visibles.

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Greffe en fente. On peut s’amuser à greffer du lilas sur des semis de frêne commun (Fraxinus excelsior) mis en pot. Le but de ce mariage est d’avoir un lilas qui ne drageonne pas. La greffe en fente s’avère un bon procédé. Insérer le greffon dans la fente en la maintenant écartée à l’aide d’une serpette ou d’un petit tournevis. Ligaturer à l’aide d’une bandelette de greffage et enduire de mastic à chaud. Trois mois plus tard, la greffe est prise.

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Un jardin de magnolias. Si les magnolias classiques sont aujourd’hui multipliés en grande série par bouture, les variétés plus rares sont greffées par les collectionneurs et sont diffusées ainsi de jardin à jardin. L’opération est simple à condition d’avoir le porte-greffe adéquat. Ce dernier peut être Magnolia kobus qui semble être un receveur universel. Robuste et adapté à tous les sols, il permet de réussir des cultivars à grandes fleurs dans des sols qui ne sont normalement pas assez acides pour eux. On multiplie M. kobus par semis dès la récolte de ses graines en été. Les procédés de greffe recommandés dans ce cas sont « à l’anglaise » et « par placage ». Ils sont expliqués dans le livre.

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Pour les Prunus à fleurs ou à écorces décoratives. Si les cerisiers japonais sont spectaculaires en fleurs, les plus populaires de nos jours sont les espèces à écorces décoratives, tel le Prunus serrula. Pour eux, on fait appel aux Prunus avium et Prunus incisa en guise de porte-greffe. Pour Dominique Cousin, grand connaisseur et habile propagateur des Prunus, plusieurs manières d’agir en fonction de la saison. Greffe à l’anglaise ou par placage en février-mars; à l’anglaise, couronne, fente ou incrustation en avril. Egalement greffe en écusson en juillet-août.

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Et bien sûr les rosiers, pour lesquels c’est essentiellement le greffage en écusson qui est recommandé. La majorité es rosiers disponibles dans le commerce sont greffés sur Rosa canina laxa. C’est une variété d’églantier peu épineuse et bien adaptée aux sols argilo-calcaires, aux climats plutôt froids et aux hivers humides. Rosa multiflora est une solution alternative pour les régions de la moitié sud et aux sols bien drainés. Rosa rugosa est une autre possibilité en climat très froid et dans les sols hyper sablonneux. Le livre de Dominique Cousin présente aussi un excellent chapitre concernant les essences fruitières. Remarquable ouvrage si l’on considère son faible coût : 15,95 euros.

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https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/greffer-facilement-les-arbres-fruitiers-et-d-ornement-696-cl.htm
par Dominique Cousin – Editions Ulmer – juin 2019 – 15,95 euros     

PARCOMANIA OU L’ASSURANCE DE LA RUINE

Patrick Masure vient d’ouvrir un champ de réflexion ! Dans son dernier livre « Chers Jardins, quand la passion mène à la ruine » il adopte un ton ironique pour expliquer, dix exemples à l’appui, combien il est facile de se ruiner quand on pousse au delà du raisonnable l’art des jardins et les collections de plantes. L’auteur précise dans son introduction qu’il sait de quoi il parle puisque lui même, en Loiret, entretient une impressionnante collection de roses anciennes mise en scène autour d’un étang aux eaux turquoises. Les Editions Delachaux et Niestlé ont fourni une iconographe bien à la mesure du projet : riche, généreuse et très bien faite. Parution octobre 2019. Voici quelques pages tirées du livre accompagnées de tout ou partie des écrits de Patrick Masure.

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Vincenzo Martinelli, Paysage avec pont rustique. Un siècle après Salvator Rosa,le peintre bolonais Vincenzo Martinelli (1737-1807) exécute un paysage où se retrouvent les mêmes composants scénographiques, dans une atmosphère moins dramatique. La disposition du pont et des matériaux dont il est construit ne sont pas sans rappeler le pont rustique de Méréville peint par Hubert Robert. S’il est possible, mais coûteux, de réaliser de tels ponts dans un jardin pittoresque, aucun vieux chêne ne résisterait bien longtemps dans la position de celui qui figure au milieu du tableau.

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Pont chinois, Apremont-sur-Allier. Gilles de Brissac, jardinier-paysagiste et propriétaire des lieux, créa un jardin floral au pied du château d’Apremont en confiant la réalisation des fabriques à Alexandre Serebriakoff (1907-1994), peintre et décorateur né en Russie, à qui l’on doit ce pont-pagode récemment restauré.

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L’ananas du parc de Dunmore, Ecosse. L’ananas du parc de Dunmore est l’une des folies les plus bizarres jamais construites. Réalisé en 1761 ou en 1776 selon les auteurs, pour John Murray, 4ème comte de Dunmore, le pavillon octogonal surmonte un portique purement palladien. Le dôme, haut de 14 mètres, en forme d’ananas, est très finement sculpté. Les amateurs apprendront qu’il est possible de louer ce pavillon au National Trust for Scotland et d’y passer une nuit.

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La Vente des oignons de tulipe (XVII°siècle), musée des Beaux-Arts, Rennes. Pour illustrer les spéculations qui ont eu lieu en Hollande sur les bulbes de tulipe et nommées par la suite « Tulipomania », beaucoup de peintres du XVII° siècle ont travaillé le thème. Satirique et documentaire, ce tableau anonyme détaille la manière dont s’opère le commerce des bulbes, qui s’apparente à celui de l’or et des pierres précieuses. Ici, l’acquéreur est un fou, comme l’indique son costume. Il brandit fièrement son acquisition, une ‘Semper Augustus’ ou une ‘Viceroy’. Le prix à payer est déposé sur la table dans une bourse bien garnie. Le changeur pèse soigneusement chaque bulbe avec un trébuchet. Le peintre souligne un autre contraste, le spéculateur maigre et tendu, le changeur assis, tranquille et gras.

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Stourhead, le pont palladien. La parenté de style se manifeste avec évidence entre cette vue du pont palladien de Stourhead et la vue du pont de Painshill Park présenté dans le même chapitre « se ruiner à l’anglaise avec Charles Hamilton », celui-ci étant un des précurseurs d’un mouvement naturaliste qui démarre avec des paysagistes tels William Kent et Capability Brown. Henry Hoare créateur de Stourhead est infiniment plus riche qu’Hamilton, alors les proportions ne sont plus les mêmes. Le lac de Stourhead est sensiblement plus étendu et les fabriques sont plus imposantes. Il semble évident que les deux amis depuis l’époque du collège avaient puisé leur inspiration aux mêmes sources.

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Les topiaires du château de Champ-de-Bataille, par Jacques Garcia propriétaire du domaine. Cet impressionnant alignement de lions montant la garde démontre une parfaite maitrise de l’art topiaire. L’observateur curieux (et critique) pourra s’étonner que cette allée, si majestueusement encadrée par ce dispositif, ne soit en fait qu’un simple cul-de-sac.

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Champ-de-Bataille, dentelles de buis. Emergeant de la brume matinale, les dentelles de buis bordent l’axe principal conduisant au bassin rond; plus loin, le grand canal est encore enveloppé dans le brouillard. Fort sagement, à proximité immédiate du château, le décor respecte les canons de l’art des jardins du Grand Siècle. La fantaisie se manifeste progressivement, à mesure que l’on s’éloigne. Quelques mots encore empruntés à Patrick Masure pour justifier la présence de ce domaine au faîte de sa gloire et de sa beauté : « Jacques Garcia, à qui je faisais part il y a quelque temps d’un projet de conférence sur Comment se ruiner au jardin, me répondit, très pince-sans-rire : Vous devriez parler de moi. Précisons d’emblée que, selon toute apparence, Jacques Garcia ne s’est pas ruiné avec le château et ses jardins, du moins pas encore. »

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www.delachauxetniestle.com Chers Jardins, quand la passion mène à la ruine,  32 euros.
www.mollat.com/videos/patrick-masure-chers-jardins-quand-la-passion-mene-a-la-ruine

SUIVRE CLAUDE LEFĒVRE DANS LES JARDINS DU JAPON

Claude Lefèvre signe aux Editions Ulmer un livre de photos faites par ses soins à l’occasion de nombreux voyages au Japon : « Le fuzei dans les jardins du Japon ». Fuzei mentionné dans le titre est un mot ambigu dans sa traduction, mais qu’on peut définir par l’émotion suscitée dans l’âme de celui qui regarde attentivement, ou plutôt qui contemple en cherchant à percer l’élégance, l’équilibre et la composition des choses dans leur simplicité et dans leur mystère. Et c’est dans cet état d’esprit que depuis plus de dix ans Claude Lefèvre sillonne le Japon pour  photographier les jardins les plus remarquables. En dehors des sentiers battus, il fait découvrir des jardins extraordinaires, peu connus voire inconnus des Japonais eux-mêmes. Diane de Margerie l’accompagne dans une riche préface. Parution le 10 octobre.

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Kenraku-en, jardin de promenade édifié au début du XVII° siècle par la famille régnante Maeda. Ouvert au public en 1870. C’est l’un des trois plus beaux jardins classés du Japon. On dit que Bashô, le grand poète de haïkus, y écrivait sous un arbre aujourd’hui vénéré. Kazanawa, préfecture de Ishikawa.

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Korakuen teien, l’un des trois grands jardins de promenade du Japon, aménagé à proximité du château en 1700 pour le grand daimyô Ikeda Tsunamasa. Okayama.

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Chishaku-in, temple bouddhiste de l’école Shingon. Son jardin, fondé au XVI° siècle, était l’un des préférés du grand maître de thé Sen-no Rikyu (1522-1591). Higashiyama-ku, Kyôto.

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Korakuen teien. Voir légende deux photos au-dessus.

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Jardin funéraire à Eihei-ji, temple principal de l’école Sôtô du bouddhisme zen introduit au Japon depuis la Chine par Eihei Dogen à l’époque Kamakura en 1244. Lieu de pèlerinage. Eihei, préfecture de Fukui.

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Sanctuaire de Kigami composé de 500 statues préservées dans la roche à l’intérieur du temple Gohyaku-rakan (milieu du XVII° siècle). Omori, préfecture de Shimane. Et ci-dessous, photo de Carpes Koï si souvent rencontrées dans les jardins japonais et popularisées en Europe depuis une trentaine d’années.

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https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/le-fuzei-dans-les-jardins-du-japon-708-cl.htm

45 euros

RENCONTRES ÉMOUVANTES AU PAYS DES GLACES

Les manchots présentent une impressionnante panoplie d’adaptations qui défient en général les limites physiologiques connues : plongée, jeûne, résistance au froid. Ce sont des oiseaux qui sont incapables de voler. Alors ils passent la majorité de leur vie dans l’eau, sauf au moment de la ponte et de l’élevage de leur progéniture. Les humains les côtoient surtout à cette occasion. Michel Gauthier-Clerc, docteur en médecine vétérinaire, qui a réalisé sa thèse sur le Manchot royal, vient d’écrire pour Delachaux et Niestlé un livre très bien documenté et superbement illustré qui fait le point sur les connaissances les plus récentes de ces animaux si attachants. A offrir pour Noël aux adolescents en quête d’absolu. 29,90 euros.

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Au 19ème siècle, les manchots étaient tués puis bouillis pour en extraire de l’huile, ou pour servir d’appâts. Leurs oeufs étaient récoltés et consommés. Autre temps, autres moeurs : ils font désormais l’objet des meilleures attentions et jouissent d’une belle popularité auprès du grand public. Que ce soit en Australie, aux Galapagos ou dans la péninsule Antarctique, ils sont devenus une attraction touristique. Mais les manchots fascinent aussi les équipes scientifiques, en raison notamment de leurs capacités à vivre dans des lieux non colonisés par les humains.

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Des considérations géopolitiques ont largement favorisé les études sur les manchots. Plusieurs pays européens avaient pris possession des territoires antarctiques et subantarctiques durant les 18ème et 19ème siècles. Le traité international de 1959 sur ces zones a promu la science devant le militaire et l’exploitation. Dès 1947, les Expéditions polaires françaises furent créées et perdurent de nos jours avec l’Institut polaire français Paul-Emile Victor. Et enfin des bases scientifiques dans les Terres australes ont permis d’y développer des recherches par le Muséum national d’histoire naturelle et par le Centre national de la recherche scientifique de Chizé et de Strasbourg.

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L’image populaire des manchots est celle d’oiseaux incapables de voler et d’oiseaux des grands froids. Cette vision est issue d’une longue évolution. Ils ont des ancêtres volants et la perte de leur capacité de vol s’est faite au profit d’une optimisation de la nage sous l’eau. La séparation de la branche qui donna les grands voiliers marins, tels les albatros et les puffins, et celle qui donna les manchots date d’il y a 70 à 65 millions d’années. Michel Gauthier-Clerc passe en revue l’importance des courants marins qui ont entrainé les populations primitives vers les différentes terres de l’hémisphère sud, tels le courant océanique circumpolaire et celui de Humboldt.

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Dans l’histoire des manchots, la rencontre avec les humains a malheureusement été assez brutale, car ils ont toujours représentés une ressource riche et d’accès facile. On réduit souvent à tort, la découverte d’une espèce à sa découverte par les Européens. Or, pendant des milliers d’années, les Manchots de Magellan et ceux du Cap étaient bien connus par les populations locales, de la Terre de Feu et d’Afrique du Sud. Avec leur importante réserve de graisse et leurs oeufs, ils représentaient une source abondante de nourriture et leurs peaux étaient utilisées pour la fabrication de vêtements.

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Les pages qui font état des changements climatiques, autant dans le sens du réchauffement que du refroidissement, expliquent les causes des transferts de populations des différentes ethnies. L’île Ardley, dans les Shetlands du Sud, par exemple, s’est libérée des glaces il y a 8500 ans. Le premier indice de la présence d’une colonie de Manchots papous y date de 6700 ans. les effectifs ayant atteint leur maximum il y a 4000 à 3000 ans, lorsque les températures s’étaient encore élevées. Mais l’activité volcanique d’une île proche a eu sur cette espèce des effets dévastateurs. L’auteur du livre, avec la précision d’un scientifique et la poésie d’un homme de lettres, raconte par le menu la préhistoire et l’histoire de ces oiseaux si attachants.

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Parmi plus d’une dizaine de manchots dénombrés, il faut rendre hommage à Luc Jacquet pour son film « La marche de l’empereur » qui en 2005 remporte un grand succès dans les salles et qui met en scène la vie de colonies de Manchot empereur. A compter de ce moment, ces animaux au sens de la famille époustouflant et qui ont la capacité de rester longtemps sans boire ni manger, de plonger en longue apnée, de vivre dans un froid antarctique et d’avoir pourtant une belle espérance de vie sont devenus nos meilleurs amis.

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http://www.delachauxetniestle.com/ouvrage/les-manchots/9782603026359

https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/A-Chize-demi-siecle-vigie-scientifique-biodiversite-2018-11-01-1300980094

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18370973&cfilm=57615.html

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