Sommelier en huile d’olive, juge dans des compétitions internationales et découvreuse d’huiles rares, Emmanuelle Dechelette aime partager sa passion et son goût pour l’excellence avec les Chefs de cuisine et le grand public. D’où son livre EXTRA VIERGE paru chez Dunod en 2018, avec près de 200 pages fort bien illustrées et riches d’un texte qui nous fait voyager dans le temps. On y découvre que cette matière a toujours inspiré cuisiniers et diététiciens. Pour Emmanuelle, de grands chefs se sont mis aux fourneaux pour présenter une trentaine de recettes, parfois surprenantes mais toujours faciles à réaliser. Ce livre nous entraine aussi à la découverte de 34 productions venant du monde entier, de la Nouvelle-Zélande à l’Uruguay. On apprend que l’Espagne est un pays d’excellence, au même titre que l’Italie et la Grèce. Quant à la France, on est heureux de savoir que Patrick Bruel cultive 13 hectares d’oliviers sans engrais chimique ni pesticide sur la commune de l’Isle-sur-la-Sorgue.
Voici quelques passages de texte prélevés au fil des pages pour donner une image la plus juste possible de la diversité du propos. Aliment phare du régime méditerranéen, l’huile d’olive bénéficie d’une excellente réputation grâce à ses propriétés bénéfiques pour la santé, généralement attribuées à sa richesse en antioxydants (les polyphénols), en vitamines (A et E) et en acides gras mono insaturés. Enfin, cette huile peut être utilisée aussi bien crue, comme ingrédient de sauce émulsionnée (aïoli, vinaigrette) ou assaisonnement de plats (salades, pâtes, légumes, poissons, viandes), que cuite, comme corps gras pour la cuisson (au four ou à la poêle), voire en friture grâce à son point de fumée élevé (210°C) même s’il est préférable ne ne pas dépasser 190°C pour les huiles vierges extra.
Après les première pages concernant les données historiques, scientifiques et agricoles du monde des oliviers, des olives et des huiles qu’on peut en espérer, on arrive à la présentation de producteurs dignes de confiance. Tel Eric Martin qui cultive 25 hectares dans le hameau ardéchois de Massargues. Il annonce 8000 arbres dont 4000 de la variété Bouteillan. Photo ci-dessous. Tout en culture bio/biodynamie. Voici une variété originaire du Haut-Var qui porte ses fruits sous la forme de petites grappes. Depuis des essais fructueux dans les Bouches-du-Rhône et les Alpes de Haute-Provence dans les années 1990, elle s’est exportée en Egypte, en Australie et aux Etats-Unis. Le Chef Manuel Chaussabel de l’Aubépine à Aubenas l’utilise dans un dessert où se retrouvent : biscuit sablé chocolat, yaourt de brebis glacé, coing sauvage, yuzu et huile d’olive 100% Bouteillan.
Célèbre pour son bouquet délicat, la Taggiasca est une variété emblématique de Ligurie en Italie, où elle a été introduite au XVIème siècle par des frères bénédictins. Elle est présentée par Anna Ardoino dont la famille s’est tournée depuis plus d’un siècle vers les produits régionaux de qualité. Nanni Ardoino, le père d’Anna, décide d’exploiter son talent particulier de « nez ». Capable de distinguer les finesses des qualités sensorielles de l’huile d’olive, il sera reconnu « meilleur nez » par ses pairs et en 1983 il crée la première école de dégustation d’huile d’olive. Ci-dessous.
La variété Oblica est la principale olive de Croatie, où elle est presque exclusivement cultivée. Cet olivier s’adapte aux sols très calcaires. Pas besoin d’irrigation car l’arbre résiste aux fortes chaleurs. Les arbres sont taillés pour les rendre accessibles à la cueillette manuelle. Christian Bouas en cultive plus de mille. Rien ne destinait cet entrepreneur toulousain à devenir oléiculteur. C’est à l’occasion d’un voyage qu’il découvre la beauté sauvage des lieux. Il trouve la possibilité de s’associer à un agriculteur oléicole local et achète une dizaine d’hectares. La première cuvée d’huile Oblica voit le jour en 2015. Et c’est avec cette dernière que le Chef Sébastien Crison, de l’hôtel Scribe à Paris, prépare un plat riche en goût et en couleur : le damier de betterave et de radis marinés dans l’huile auquel s’ajoutent brocoli et fromage de chèvre frais.
La Chemlali est la variété la plus cultivée en Tunisie. Le Domaine Fendri, situé à Maknassy, au sud-ouest de Sfax, cultive 19.000 oliviers sur 500 hectares, dont 8.000 en variété Chemlali. C’est une affaire de famille sur trois générations. Slim Fendri rejoint l’exploitation en 1995 après fait Sciences Eco Grenoble. Avec son père, Slim voyage pour comprendre comment on travaille l’huile d’olive ailleurs. C’est en Italie qu’ils découvrent « le fruité vert ». Dès lors, leur objectif est de produire le meilleur profil organoleptique en fruité vert bio. Le Chef Vivien Durand, du Prince Noir à Lormont (1 étoile Michelin) utilise cette huile pour son plat de Grosses asperges blanches de Gironde au coin du feu, salade de son pied (d’asperge) et vierge de caviar Sturia primeur.
Charles III d’Espagne envoie ses « missionnaires » en Californie pour « prêcher la vraie foi et s’enquérir de l’or ». Vingt-et-une missions sont créées, de San Diego à San Francisco, égrainant sur ce territoire des fruits exotiques comme l’olive. Héritage de cette époque, la Mission est considérée aujourd’hui comme la seule variété des Etats-Unis dans le catalogue mondial des variétés. C’est un arbre rustique qui résiste bien au froid. C’est là que Gianni et Diana Stefanini exploitent sept hectares d’oliviers dont une bonne part revient à la Mission. Son huile au fruité intense est utilisée par la Chef Kristin Frederick, au Greenhouse à Paris, pour son Avocado toast californien.
Belle histoire que celle de l’agronome Maria Elina Buffa, et Juan Pablo Castellano, ingénieur forestier, qui se sont rapprochés pour planter des oliviers dans le désert, dans la région de San Juan en Argentine. Ils produisent un cru souvent primé, Trilogia Criolla, composé à partir d’un assemblage des huiles des variétés Arauco et Arbequina, aux saveurs d’artichaut et d’asperge, dont se sert le Chef Ippei Uemura, au Tabi de Marseille pour son Carpaccio de maquereaux sur forêt de poireaux et sa sauce poire.
https://www.dunod.com/livres-emmanuelle-dechelette
29,90 euros
chez Dunod en 2018.