L’IVRESSE DES COULEURS AVEC GÉRARD JEAN !

La consécration d’un nouveau jardin est une réjouissance. Au cours des deux dernières décennies est apparu le Jardin de Pellinec par Gérard Jean, en Bretagne. Comme cinquante ans plus tôt avait été mis en scène et entré dans la postérité celui de Kerdalo par Peter Wolkonsky. Ces deux créations sont comme des « Graal » pour les amateurs de jardins en recherche de beauté et d’inspiration. La préface du livre de Gérard Jean aux Editions Ulmer « Jardin de Pellinec » confirme mon propos. On la doit à Olivier Colin, éminent botaniste. Ses humanités accomplies, Olivier Colin s’est orienté vers le jardin en guise de distraction. L’homme est amusant et a pour autre plaisir de jouer avec les mots.

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C’est ce qu’il fait à propos du livre consacré au Pellinec quand il écrit qu’il eut été mieux approprié d’inscrire sur la plaque apposée à l’entrée plutôt « jardinier remarquable » que « jardin remarquable » distinction attribuée par le Ministère de la Culture. En fait, pour être plus précis, je dois dire qu’on aurait pu associer les deux formules. Ceci exposé, Le Pellinec, c’est quoi ? C’est un assemblage de talents réunis par un seul homme, Gérard Jean, excellent jardinier nourri par l’expérience de quatre jardins précédents, coloriste professionnel en raison de son activité de créatif au sein d’agences publicitaires, dont la sienne Jean & Montmarin, et hyper-actif. Gérard Jean semble en effet animé par une énergie rare. Son jardin de Pellinec (Côtes d’Armor), commencé en 1997, en est le témoignage tant il est riche, varié, beau et surprenant. C’est tout l’objet du livre dont voici quelques bonnes feuilles.

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Gérard Jean commence sa narration en expliquant comment il est tombé sur une annonce immobilière qui décrivait un peu son souhait, 4 ha de terrain avec une maison à restaurer les pieds dans l’eau. Le prix était bas et il ne savait pas ce que cela pouvait cacher.La visite qui a suivi a été déterminante car malgré l’abandon de beaucoup de déchets lié au fait que c’était une ancienne colonie de vacances il s’y est senti bien tout de suite en imaginant tous les jardins qu’il pourrait y faire. Le bâtiment principal était en très mauvais état, mais cela importait peu. Il ne voyait que son rêve car la terre paraissait riche à en juger par la taille des arbres et des ronces. De plus, les nombreux murets assez faciles à restaurer délimiteraient les parcelles du jardin projeté. La vue sur la mer paraissait magique. Pour la situer, la Baie de Pellinec se trouve entre Plougrescant et Perros-Guirec.

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Ces photographies extraites du livre montrent le jardin comme on peut le voir de nos jours. Visites possibles seulement les dimanches après-midi entre mai et août. Voir lien en bas d’article pour détails. L’essentiel du livre est écrit à la première personne. Je reprends donc les propos de Gérard Jean entre guillemets. « Quand on plante dans un nouveau jardin, même avec l’expérience, c’est toujours une surprise, bonne ou mauvaise. Avec le temps, on finit par trouver les plantes heureuses. Mais il faut des années. Alors, on essaie au mieux, en tenant compte de tous les paramètres comme l’exposition, souvent provisoire car changeante avec les arbres qui vont grandir. La drainage, essentiel pour le choix des plantes ! Le bon drainage n’est pas mieux que le marécage, c’est juste une question de plantes. La terre aussi est importante. Ici, elle est toujours assez acide et cela simplifie les choses. Certains endroits sont humifères avec une terre très riche et d’autres ont une terre très argileuse. Cela oriente le choix des plantes. »

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En sa qualité de jardinier expérimenté, Gérard Jean donne des indications de températures pour guider le choix des néophytes. Dans son repaire de bord de mer, les jours de gel sont rares. Voici quelques lignes qui évoquent la parcelle nommée le jardin anglais. « J’ai mis beaucoup de temps à aimer ce jardin. Les arbres choisis ont été longs à montrer toute leur beauté. Vingt ans plus tard, les Acer palmatum ‘Okagami’ et ‘Shindeshojo’ (-15°C) m’ont émerveillé par leurs belles couleurs douces, tant au printemps qu’en automne. L’Acer griseum (-20°C), aimé pour sa belle écorce, ses feuilles trifoliées et très colorées en fin de saison, vaut la peine d’être planté mais sa splendeur n’arrive qu’après de longues années. Le Davidia involucrata (-20°C), avec ses splendides mouchoirs (photo ci-dessus) demande 15/20 ans pour donner en grand nombre ses bractées si originales. »

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« Dans ce jardin, aucune place pour la terre nue. Le sol est entièrement recouvert de plantes vivaces, comme couvre-sol avec Epimedium, Hosta, Tiarella, Ajuga et Alchemilla. Ou comme fleurs avec Hemerocallis, Eucomis, Crinum powellii, Iris ensata, Agapanthus, Gaura, Echinacea et bien d’autres. Je recherche toujours le maximum de beauté avec le minimum d’entretien. Avec ces 4 ha de jardins, pas question que je sois débordé. Glen, l’arboriste, n’hésite pas à m’aider dès que le travail de mon côté devient trop important. Notre complicité contribue à la réussite du jardin. » Photo ci-dessus faite un 10 août avec Acacia vestita ‘Sainte Hélène’, Abelia ‘Edward Goucher’ et un massif de Crinum powellii.

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Réussite avec Iris ensata dans un marais envoûtant. Nous voici en présence sans aucun doute du jardin le plus personnel de Pellinec. « Dans un petit marécage envahi de ronces et d’arbres morts tombés, environ 2000 m2, j’ai tenté une mise en scène d’iris du Japon appelé Iris ensata. Dans d’autres de mes jardins, j’avais découvert cette plante avec émerveillement. Je savais que la floraison était longue et qu’ils poussaient en terre acide et humide. Pour le marécage, c’était une interrogation. » Suite du texte sur photo ci-dessus.

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« Les visiteurs me demandent souvent en quel mois de mai ou de juin fleurissent les Iris ensata. La réponse est juin. Mais personnellement je les préfère en mai quand tout pousse avec une exubérance inouïe, avec déjà beaucoup d’autres fleurs comme les arums et les Primula japonica. En 20 ans, ce jardin a peu changé, uniquement quelques petites améliorations. Les plantes elles-mêmes ont participé à la création de ce jardin. C’est souvent elles qui décident ou pas de s’installer. »

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Le jardin austral, une jungle extravagante. « Créé en 2004, ce jardin a tenu ses promesses. Le site choisi était une parcelle de 5000 m2, à l’abri du vent avec une terre acide assez riche et bien drainée. L’idée était de réunir des végétaux des terres australes qui demandent un pH de 6 avec une résistance au froid de -5°C et plus. J’ai imaginé ensuite un dessin pour installer les plantes de façon valorisante et originale. J’ai eu l’idée de construire deux grands cercles concentriques en pavés et entourés d’arbres protecteurs……. Ensuite, j’ai commencé à chercher les plantes indiquées sur mon plan. Au centre, des plantes xérophytes et, à l’extérieur, des plantes aux feuillages décoratifs…… Pour donner une ambiance très australe, j’ai d’abord choisi de nombreux eucalyptus résistants au froid. » La liste de ces derniers est longue. Gérard Jean fait de nombreux commentaires sur ses choix. Comme il donne en fin d’ouvrage dans une page de remerciements les noms des pépiniéristes qui l’ont approvisionné de tant de merveilles végétales.

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http://le-jardin-de-pellinec.fr/

https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/jardin-de-pellinec-l-ivresse-des-couleurs-810-cl.htm
35 euros
Octobre 2021

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GEORGES FETERMAN : UNE APTITUDE À VULGARISER !

Eruptions volcaniques, tremblements de terre, inondations, météorites, orages violents : notre pays est façonné par des événements qui ont profondément marqué nos paysages au point d’en laisser des témoignages manifestes que chacun d’entre nous peut découvrir en voyageant. Avec son livre « Les forces de la nature en France » chez Delachaux et Niestlé, Georges Feterman donne à voir ces paysages surprenants peuplés de coulées de lave, de cascades minérales, de chaussées des géants, de grottes et de canyons. Professeur agrégé de SVT et déjà auteur de nombreux livres, l’auteur explique avec des mots simples et précis notre environnement et ses origines. 240 pages. Iconographie exceptionnelle.

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S’il est une force qui nous dépasse, c’est bien celle de « soulever les montagnes ». L’expression elle-même est le symbole de ce qui parait impossible. Et pourtant, au fil des temps géologiques, des montagnes se sont soulevées avant d’être progressivement érodées. Il y a 300 millions d’années, deux grandes plaques tectoniques s’affrontèrent. S’ensuivit une orogenèse (la naissance d’une montagne) responsable de l’apparition de la chaîne hercynienne. Les géologues estiment qu’elle a pu atteindre 7000 à 8000 mètres, soit l’altitude actuelle des sommets himalayens. On retrouve dans les tranquilles paysages bretons, limousins et vosgiens, désormais bien usés, les témoignages de ces forces qui soulevèrent des montagnes.

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Les schistes des monts d’Arrée, au coeur de la Bretagne, ont souffert pour en arriver là. Chauffés et comprimés en profondeur, ils ont été engloutis dans les tréfonds de l’Armor il y a 600 millions d’années lorsqu’une première chaîne de montagne s’érigea en ces lieux. Trois cents millions d’années plus tard, un nouveau mouvement tectonique réveilla ces vieilles roches, au point qu’elles émergent aujourd’hui, dressées vers le ciel et perforant la lande.

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L’Auvergne si paisible, avec ses prairies, ses vaches, son fromage, ne l’a pas toujours été. A plusieurs reprises, ses volcans se déchaînèrent, crachant de la lave, projetant des bombes, dévastant tout le paysage. Les hommes de Cro-Magnon, ou Homo sapiens, ont affronté ces colères terrifiantes. Les dernières manifestations volcaniques ne datent que de quelques milliers d’années.

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Voici l’un des plus beaux paysages de France, à n’en point douter. On le doit à un volcan très discret et à la Loire, à peine sortie du mont Gerbier-de-Jonc. Le château et le village d’Arlempdes sont perchés sur une coulée de lave balsamique, que l’on repère aisément aux nombreuses orgues qui en émaillent le parcours. La jeune Loire, qui coule aujourd’hui du pied du piton volcanique, a déblayé les matériaux les plus tendres, laissant en place cette formidable coulée, utilisée par les hommes pour assurer leur sécurité.

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Un paysage fait de magmas refroidis autour de Brignogan, Finistère, est le fruit d’une très longue histoire, dont la durée se compte en centaines de millions d’années. Durant l’ère primaire, une formidable chaîne de montagne, issue de l’affrontement de plaques tectoniques, s’est dressée de l’Amérique à l’Europe, qui ne formait qu’un seul continent. Comme on l’a vu plus haut, cette chaîne hercynienne s’élevait à plus de 7000 mètres. Trois cents millions d’années plus tard, il nous en reste la Bretagne, le Massif Central et les Vosges, usés et rabotés par l’érosion. Dans cette formidable chaîne, des magmas remontèrent des profondeurs, se figeant en granite avant d’arriver à la surface. Il fallut encore des dizaines de millions d’années pour que l’érosion rabote suffisamment les roches superficielles et que le bon vieux granite breton affleure enfin.

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Les sables argileux d’Ille-sur-Têt sont bien fragiles. L’érosion modifie à chaque instant le paysage des « orgues » , peu connu du grand public. L’usure des granites pyrénéens voisins a fourni du sable et de l’argile en abondance, accumulés sur des épaisseurs considérables. Une croûte plus résistante a longtemps protégé ces sédiments en partie consolidés. Mais elle cède un peu plus à chaque orage, livrant les piliers à la violence des eaux de ruissellement. Le paysage n’en est que plus spectaculaire, formant des colonnades rappelant des tuyaux d’orgues, mais celles-ci n’ont rien de volcaniques.

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La ville de Bonifacio semble posée en équilibre sur la falaise calcaire. La roche blanche laisse apparaître des strates horizontales puissantes, autant de dépôts biologiques et chimiques accumulés sur les fonds marins il y a une quinzaine de millions d’années. Par endroits, les strates sont inclinées, composant des formes géométriques appelées stratifications entrecroisées. Celles-ci volent presque la vedette à l’ensemble du paysage qui est pourtant admirable.

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https://www.delachauxetniestle.com/livre/les-forces-de-la-nature-en-france Publié 14 octobre 2021 29,90 euros

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PRÉSENTATION D’UN LIVRE SUR L’HISTOIRE DU CIEL

Que savons-nous de la naissance de l’Univers ? Qu’en disaient les Grecs ? La mythologie chinoise ? Les Aztèques ? La Bible ? Galilée ? Et Einstein ? La terre est-elle plate ? Ou ronde ? Tourne-t-elle autour du soleil, ou est-ce l’inverse ? Le ciel est-il une mer sur laquelle naviguent les étoiles ? Et d’ailleurs, que sont les étoiles ? Voici un livre qui retrace les différentes réponses à ces interrogations : « Une histoire du ciel » de Edward Brooke-Hitching, publié le mois dernier par Delachaux et Niestlé, l’éditeur nature. C’est une traduction de « The Sky Atlas » édité en 2019 par Simon & Schuster UK Ltd.

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Que savons-nous de la naissance de l’univers ? Tout dépend de la personne à qui vous posez la question. Un cosmologiste moderne mentionnera bien sûr le Big Bang, une théorie développée en 1927 par un prêtre belge Georges Lemaître qui postule l’existence d’un « oeuf cosmique » ou d’un « atome primitif » qui a explosé et ainsi fait naître l’univers. Si vous vous tournez vers un autre, il pourrait vous indiquer les modèles de mécaniques quantiques, fondés sur les lois d’Einstein qui suggèrent que l’Univers existerait depuis toujours sans début ni fin. Cette vision est d’ailleurs la même que celle d’Aristote, voici plus de 2300 ans, car quoi de plus grandiose comme preuve du Divin que la perfection de l’Eternité !

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L’astronomie occidentale prend ses origines chez les Sumériens, peuple inventif du sud de la Mésopotamie (sud de l’Irak actuel) qui a imaginé, entre autres innovations, la façon de diviser un cercle en 360 degrés, ainsi que le plus vieux système d’écriture le « cunéiforme », +/- 3200 ans avant J.C. Un mythe raconté dans la Genèse a donné lieu à différentes représentations : « La Tour de Babel », comme celle de Martin van Valckenborch, de 1595, pour expliquer la multitude des langues dans le monde. Après le Déluge, l’humanité migra vers l’est jusqu’aux terres de Shinar, où le peuple ne parlait qu’une seule langue, et commença, avec arrogance, à construire une tour assez haute pour atteindre le Paradis. En réaction, Dieu embrouilla leurs paroles et les répartit tout autour du monde. La tour en question a été associée par des historiens à des structures qui ont existé, comme Etemenanki, une tour circulaire en forme d’escalier de 91 mètres de haut dédiée au dieu mésopotamien Marduk par Nabopolassar, roi de Babylone, vers 610 avant J.C. Alexandre le Grand en ordonna la destruction quelque trois cents ans plus tard.

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Le Cosmos de Ptolémée. Deux siècles après J.C. on trouve enfin une base documentaire plus solide. Celle du mathématicien géographe et astronome Claude Ptolémée. Grâce à ses écrits, nous savons que le savant d’Alexandrie admirait Hipparque et le considérait comme son prédécesseur le plus influent. Dans son ouvrage d’astronomie « L’Almageste » (vers 150), Ptolémée intégra, sans le modifier, le modèle d’Hipparque sur le mouvement du soleil. Ptolémée ajouta également des étoiles au catalogue d’Hipparque, leur attribua des coordonnées et y inclut les nébuleuses visibles. Ses 48 constellations allaient rester le fondement d’autorité en astronomie pendant plus de 1000 ans.

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On a cru pendant longtemps que les constellations étaient étroitement liées à la santé du corps humain, comme illustré ci-dessus avec cet « homme zodiacal » anatomique, datant de 1416 environ. Sur cette image, chaque signe du zodiaque correspond à une partie du corps. Les Poissons sont liés aux pieds et le Bélier, associé à des notions sacrées, correspond à la tête. Les inscriptions en latin, dans les quatre coins, indiquent les propriétés médicinales des signes du zodiaque. L’astrologie médicale connut un pic de popularité désespéré au cours du XIV° siècle lors des ravages de la peste noire.

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La mer au-dessus du ciel. Alors que la cartographie céleste attendait d’être inventée, la synthèse des sphères aristotéliciennes et de la vision chrétienne de l’Univers laissait encore des questions fondamentales en suspens : par exemple, quelle force était à l’origine de la rotation progressive de la sphère étoilée, arrière-plan du ballet des planètes ? La carte ci-dessus intitulée Coeli stellati Christiani haemisphaerium posterius (1660) est l’oeuvre de l’avocat et astronome amateur bavarois Julius Schiller. Il est le premier à avoir abandonné la mythologie et dessiné les constellations en suivant des symboles chrétiens.

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La révolution copernicienne. On date le rejet du modèle de Ptolémée par Nicolas Copernic (1473-1543) au moment de la publication l’année de sa mort de son ouvrage « Des Révolutions des sphères célestes ». Cette vision allait initier une toute nouvelle façon de penser ce que l’on comprenait de l’Univers. Comment Copernic en était-t-il arrivé à concevoir une idée aussi subversive ? Parmi les points de désaccord, il y avait la situation de la Lune. Dans l’astronomie de Ptolémée, les planètes et la Lune se déplaçaient en petits cercles qui, eux-mêmes, tournaient sur de plus grands cercles autour de la Terre. En appliquant les mathématiques modernes, on pouvait voir que le système jusqu’alors admis était incohérent.

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Situs terrae circulis coelestibus, une carte du système de Ptolémée extraite de Harmonia macrocosmica d’Andreas Cellarius. Publiée en 1660 par Johannes Janssonius, cet ouvrage est communément reconnu comme le plus bel atlas céleste jamais réalisé.

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Ci-dessus : autre atlas céleste considéré comme un des plus magnifiques. C’est l’Atlas coelestis de John Flamsteed, publié en 1729. On y remarque les constellations du Taureau et d’Orion.

Ci-dessous : en août 1835, les lecteurs du Sun, journal à sensation new-yorkais, furent abasourdis de lire les nouvelles découvertes astronomiques supposées de John Herschel, fils de William Herschel célèbre astronome. Le jeune homme avait quitté Londres en 1833 pour se rendre au Cap, où il avait construit un énorme télescope afin d’étudier le ciel du Sud, la Lune ainsi que la comète de Halley. Dans son livre éminemment scientifique, Edward Brooke-Hitching reprend l’histoire farfelue de cette farce journalistique qui restera sans doute le plus grand canular lunaire de l’histoire.

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https://www.delachauxetniestle.com/livre/une-histoire-du-ciel Publication 14 octobre 2021 29,90 euros

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SAUVER NOS CAMPAGNES AVEC ELISABETH TROTIGNON

Elisabeth Trotignon, botaniste titulaire d’un diplôme en aménagement rural, a longtemps été chargée de mission environnement et paysage au département de l’Indre. Elle est familière de la campagne du Berry, son principal sujet d’études. Si l’on ajoute qu’elle est fille d’agriculteur, on comprend bien son attachement quasi-viscéral aux métiers de la terre, aux paysages ruraux et à leur devenir. Elle signe chez L’éditeur Nature Delachaux et Niestlé un bel ouvrage riche de photos attachantes « Il faut sauver nos campagnes ». Elle y évoque l’uniformisation des paysages, les pollutions agricoles, les attaques contre la biodiversité et les remèdes à apporter. C’est un livre plein de poésie et de réflexion qui doit convenir à un large public sensible au temps qui passe et aux risques encourus.

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Un nouveau regard sur la campagne. La campagne, depuis peu, a changé de visage. Profondément ! Longtemps cantonnée dans son mandat de production agricole et artisanale, elle retient aujourd’hui le regard du citadin qui semble la découvrir et lui attribue les qualités qu’il ne trouve plus en ville, entre barres d’immeubles, trottoirs et voitures omniprésentes. Le citadin a changé d’avis et semble préférer un cadre de vie apaisant, la nature, les beaux paysages, l’air pur et la respiration, une architecture simple et solide et une nourriture supposée de qualité. Après les pluies froides de l’hiver, lorsque déboule le soleil printanier, un même public fatigué rend grâce à ce que la campagne peut lui apporter et court vers l’herbe verte.

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En Luberon, le village perché est ancien. Au Moyen Age, il accompagne un château qui, depuis sa hauteur, guette et voit de loin l’arrivée d’un possible ennemi. Puis il s’est densifié, fort de nouveaux habitants tels les commerçants, les artisans, ou encore les paysans dont les maisons longeaient les ruelles étroites. Sur les pentes puis dans la vallée s’étendent vignes et jardins, champs cultivés et prairies. Au-delà, c’est le bois et la lande. Ailleurs, c’est autre chose qui s’opère en fonction du climat, de la nature du sol et des habitudes paysannes. Dans l’Indre, une multitude de petites parcelles bigarrées couvrent plateaux limoneux et pentes douces. Elles sont de trèfle carmin et de luzerne mauve, de blé et d’orge blonde, travaillées par de petits exploitants agricoles. Le Périgord a ses noyers, la Normandie ses pommiers, le Limousin ses châtaignes. Jusqu’à ce que la modernité ne le déboulonne, après 1950, ce contexte tient à peu près. Le paysan a une profonde intuition. Ni architecte, ni paysagiste, il est simplement pragmatique.

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A partir des années 50, l’exploitation agricole change de cap. Quelle rentabilité y a-t-il à labourer des champs étroits, à semer des fourrages, à garder cinq vaches pour le lait, dix moutons pour la laine et le gigot, un porc pour le boudin et quelques lapins au clapier ? Les récoltes sont souvent maigres, le travail toujours énorme et les gains dérisoires. Mécanisation, chimie, remembrement, conseillers techniques prêts à faire évoluer les usages et le paysage se trouve vite modifié. Elisabeth Trotignon emploie les mots justes pour expliquer les bouleversements qui suivent. Fort heureusement, des parcelles considérées impropres à une culture rentable se gardent le droit de recueillir des plantes sauvages qui sont à la fois décoratives et utiles à la biodiversité. On doit admirer sur des terres très humides, comme le long des ruisseaux, de telles populations. Et lorsqu’on se trouve, comme ici, en présence d’une population de lychnis à fleur de coucou (Lychnis flos-cuculi), il faut tout faire pour pérenniser la scène.

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Biodiversité, entre moins et plus. Elisabeth Trotignon évoque la biodiversité, un mot largement utilisé depuis une vingtaine d’années pour témoigner de la croissance gênante de certaines espèces et la régression navrante d’autres. En une phrase elle dresse un bilan : « Du longiligne ver de terre à la couleur vipérine, du coquelicot à l’orchidée, de l’araignée au papillon, du moineau friquet à l’outarde canepetière, le monde vivant régresse à toute allure. » Sur une dizaine de pages, elle dresse un bilan bien documenté et cède au plaisir d’illustrer sur une page entière l’encombrante jussie. A cette belle espèce à fleurs jaunes, on a fait les yeux doux à la fin deux XIX° siècle quand on l’importe d’Amérique du Nord pour décorer les bassins des parcs de châteaux, de maisons bourgeoises. Restée « tranquille » pendant plus d’un siècle, elle s’est brutalement mise à essaimer partout où il y avait de l’eau, des bords de rivières aux étangs, au point de devenir « envahissante ». Photo de Jacques Trotignon, dans la Brenne. Voir lien en bas de page pour découvrir l’espèce Ludwigia grandiflora, nom scientifique de la grande jussie : http://especes-exotiques-envahissantes.fr/espece/ludwigia-grandiflora/

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Dans son chapitre « Villes et campagne » Elisabeth Trotignon évoque les « Les campagnes gentrifiées » pour évoquer les actions des nouveaux habitants dans quelques régions proches des grandes métropoles ou des lieux touristiques. Elle évoque Luberon, Perche, Vallée de Chevreuse, Puisaye et Vexin français. Le nouvel habitant y organise la campagne à sa manière et, insidieusement, y infuse ses propres rythmes, modes et habitudes. Il veut se fondre dans ce paysage acheté, le modeler à sa convenance et signaler qu’il n’appartient qu’à lui avec des mentions posées en évidence façon « propriété privée » ou « site sous video-surveillance ». Dans certains parcs naturels régionaux, ce glissement est patent. Il répond à une philosophie qui entend protéger les milieux naturels en lien avec l’économie, qui évoque des « territoires de projets » sertis dans un principe de « développement durable » mis à toutes les sauces. Parmi elles, il en est d’excellentes qu’on rencontre dans les régions d’étangs (Sologne, Dombes, Lorraine, Brenne…) et qui attirent les amoureux de la nature. Munis de jumelles, les uns aiment simplement observer les oiseaux d’eau; d’autres, ornithologues, y font régulièrement des inventaires. Grâce à eux, on sait que l’avifaune de ces milieux est, hélas, en nette régression !

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Pour terminer son ouvrage dans l’espoir d’un monde meilleur, l’autrice Elisabeth Trotignon compile les solutions du naturel. Ses espoirs sont immenses pour trouver matière utile afin d’en remplir 40 pages. Elle en appelle aux Néo-paysans, aux paysans de la nature et renseigne sur les conditions pour obtenir « la dotation jeune agriculteur (DJA) » . Pour les nouveaux-venus à l’agriculture et l’élevage, ce n’est pas l’assurance d’un long fleuve tranquille. Mais ses propos sont pleins de sagesse, de bon sens et d’humour, comme en témoigne la photo de cette éleveuse de moutons qui permet de conserver le paysage ouvert, évitant ainsi qu’il n’aille à la friche.

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https://www.delachauxetniestle.com/livre/il-faut-sauver-nos-campagnes
29,90 euros, parution 23 septembre 2021

http://especes-exotiques-envahissantes.fr/espece/ludwigia-grandiflora/